Nigel Wright, l'ancien chef de cabinet du premier ministre Stephen Harper, a eu en sa possession des documents relatant en détail les activités professionnelles et personnelles de Mike Duffy, mais il ne semble pas les avoir transmis tout de suite aux vérificateurs et aux policiers qui enquêtaient pourtant sur les dépenses du sénateur.

L'existence de ces agendas - qui détaillent les activités de M. Duffy sur une période de quatre ans - est révélée dans des documents déposés devant la cour par la Gendarmerie royale du Canada plus tôt cette semaine.

Ces documents soulèvent plusieurs interrogations quant à la connaissance réelle qu'avait le cabinet du premier ministre (CPM), Stephen Harper, sur les allées et venues de M. Duffy, alors que les dépenses de cet ancien membre du caucus conservateur étaient passées au crible.

Selon un document rédigé par le caporal de la GRC Greg Horton, les agendas fournissent de nombreux détails ainsi que des notes du sénateur Duffy sur «ses déplacements, rencontres, téléconférences, activités sociales, vacances, événements dignes de mention, discours et activités politiques».

Au début du mois de février, le Sénat avait demandé à des vérificateurs externes d'examiner les dépenses de M. Duffy en lien avec des allégations selon lesquelles il soutenait, à tort, que sa résidence principale se trouvait sur l'Île-du-Prince-Édouard. C'est au cours de ce mois que le sénateur a fait parvenir ses agendas à Nigel Wright, ancien bras droit du premier ministre Harper.

Dans un courriel daté du 20 février dont la police a obtenu copie, M. Duffy écrit avoir retranscrit les agendas de quatre années et y avoir ajouté le résumé de ses journées passées à l'Île-du-Prince-Édouard, ainsi que des photos des rénovations de sa maison. Il ajoute avoir envoyé le tout à «Nigel par Purolator».

Le sénateur n'a jamais remis ces agendas aux enquêteurs de la firme Deloitte, qui ont fini par déposer, en mai, un rapport dans lequel ils énuméraient plusieurs questions auxquelles ils n'avaient pas obtenu de réponse. La leader du gouvernement au Sénat d'alors, Marjory LeBreton, n'avait pas demandé plus de détails et avait approuvé le rapport, qui ne comportait pas de critiques à l'endroit du sénateur Duffy.

L'affaire a à nouveau fait la manchette après qu'il eut été révélé que M. Wright avait signé, en mars, un chèque personnel de 90 000 $ pour permettre à M. Duffy de rembourser des réclamations de dépense discutables.

Un comité de la Chambre haute a alors scruté une fois de plus les dépenses de M. Duffy avec, cette fois-ci, l'aide de responsables des finances du Sénat, mais le dossier a éventuellement été transféré à la GRC pour enquête.

À la mi-juin, la GRC a interrogé les avocats de M. Wright, qui ont indiqué que M. Wright était prêt à rencontrer les enquêteurs. On ignore si une telle rencontre a bel et bien eu lieu. Ses avocats ont cependant mis plus de deux mois à remettre les agendas de M. Duffy à la police.

La Presse Canadienne a soumis une série de questions à propos de ces documents par l'entremise des avocats de M. Wright. Peter Mantas a répondu mercredi qu'ils ne pouvaient «pas commenter cette affaire».

Le CPM a de son côté indiqué, mercredi, que l'affaire Duffy a été «gérée par Nigel Wright et que celui-ci en a pris l'entière responsabilité».

«Nous collaborons aux enquêtes en cours dans cette affaire», a précisé le porte-parole Stephen Lecce.

Les partis d'opposition soutiennent que le bureau du premier ministre tente de dissimuler sa connaissance de la transaction entre MM. Wright et Duffy.

«Il est évident qu'il y a dû y avoir énormément de négociations pour qu'il y ait une trace écrite aussi documentée, et cette trace écrite se trouvait dans le Cabinet du premier ministre», a lancé le porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière d'éthique, Charlie Angus.

Le CPM n'a encore jamais reconnu l'existence de documents qui ont été ou qui sont en sa possession. M. Wright a admis avoir déclaré à trois membres du CPM qu'il avait l'intention de donner de l'argent à M. Duffy.

Le sénateur Duffy a fait savoir qu'il ne commenterait pas.