Le gouvernement fédéral a examiné la possibilité d'établir des quotas pour restreindre l'accès aux demandeurs d'asile victimes de torture ou de traumatismes dans leur pays, afin d'économiser sur les soins de santé qu'on devrait ensuite leur prodiguer, selon un document obtenu par La Presse Canadienne.

Le personnel du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration a reçu l'an dernier la consigne de trouver des façons de limiter l'accès aux réfugiés qui auraient besoin de beaucoup d'aide dans l'avenir.

L'objectif de cette directive, qui émanait de l'ancien titulaire de ce ministère, Jason Kenney, était de trouver des façons de réaliser des économies dans les réseaux de la santé.

On a fourni à M. Kenney une série de suggestions en ce sens. Le personnel du ministère a entre autres proposé de plafonner l'accès aux réfugiés aveugles, à ceux qui affichent des retards de développement, ou encore à ceux qui ont été victimes de traumatismes et de torture.

On s'inquiétait cependant que ce type de mesures puissent être mal reçues par la population, selon la note de service datée du 11 décembre 2012 dont La Presse Canadienne a obtenu copie.

«Implanter des quotas pour les réfugiés à besoins particuliers pourrait être perçu comme un renversement de la tradition humanitaire du Canada», peut-on lire dans le document signé par un haut responsable du ministère, Neil Yeates.

Une autre proposition consistait à effectuer des démarches auprès du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.

Il était question d'inciter l'organisation à modifier les critères de sélection des réfugiés affligés par des problèmes de santé, histoire de faire diminuer le nombre de requêtes en provenance de demandeurs d'asile avec de sérieux besoins en matière de santé.

Ces informations font surface alors qu'Ottawa s'apprête à revoir en profondeur son système de traitement des demandes d'asile.

L'an dernier, les conservateurs ont dû essuyer de nombreuses critiques après avoir annoncé des compressions dans le financement des soins de santé pour les réfugiés et les demandeurs d'asile.

Des statistiques du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration montrent qu'entre 2006-2007 et 2011-2012, le montant alloué à ce programme est passé de 48,3 millions $ à 82,9 millions $.

Le ministre Kenney, qui a été remplacé par Chris Alexander lors du remaniement ministériel de juillet dernier, devait donner suite à ces recommandations d'ici le 2 janvier 2013.

Une porte-parole du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, Andrea Khanjin, a refusé de dire si Ottawa envisageait toujours de suivre l'une des suggestions contenues dans le document, qui était lourdement caviardé.

«Je peux vous assurer que notre gouvernement conservateur continuera à accorder l'asile aux populations les plus vulnérables», a-t-elle écrit dans un courriel.

Mais déjà, certains groupes craignent qu'Ottawa ne priorise les bénéfices économiques au détriment de ses responsabilités humanitaires.

«Ce que nous percevons, c'est que tout est modulé dans l'objectif global de servir les besoins économiques du Canada», a déploré Janet Dench, directrice exécutive du Conseil canadien pour les réfugiés.

«Ils évaluent les réfugiés en se demandant lesquels seront les plus bénéfiques à l'économie du Canada», a-t-elle ajouté.

Adrian Wyld

Jason Kenney, l'ancien ministre fédéral de l'Immigration.