Le Canada refuse de s'immiscer dans le débat entourant l'avenir de la Grande-Bretagne au sein de l'Union européenne (UE), même si des alliés importants comme les États-Unis, l'Australie, le Japon et la Nouvelle-Zélande exhortent le gouvernement britannique à ne pas quitter le bloc européen.

Des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information indiquent que le bureau du Conseil privé a pris soin d'informer le premier ministre Stephen Harper des tenants et aboutissants du débat sur l'avenir de la Grande-Bretagne qui fait rage depuis plusieurs mois.

Ces documents précisent que certains pays comptent bien se faire entendre pour influencer la décision des électeurs.

Le premier ministre britannique, David Cameron, a promis en janvier d'organiser un référendum sur l'avenir du pays au sein de l'UE s'il remporte les prochaines élections, prévues en 2015.

Mais le Canada n'a guère l'intention de faire de pressions de quelque manière que ce soit. «C'est une décision qui appartient aux Britanniques», a affirmé Carl Vallée, porte-parole du premier ministre Harper.

Un référendum en 2017

Pour calmer la grogne des eurosceptiques au sein de son Parti conservateur, David Cameron a promis de tenir un référendum sur l'adhésion de la Grande-Bretagne à l'Union européenne.

Dans l'intervalle, il souhaite renégocier les engagements de la Grande-Bretagne envers l'UE. Une commission parlementaire examine les avantages et les inconvénients de l'UE. Les États-Unis, le Japon, l'Australie et la Nouvelle-Zélande comptent soumettre un mémoire dans le cadre de cette commission parlementaire, selon les documents obtenus par La Presse du bureau du Conseil privé.

Le président des États-Unis, Barack Obama, a d'ailleurs déjà exprimé publiquement son souhait de voir la Grande-Bretagne rester membre de l'UE lors de la visite officielle de David Cameron à Washington, au printemps.

Un départ lourd de conséquences

Certains experts craignent que le départ de la Grande-Bretagne ne provoque la dislocation de l'Union européenne et une nouvelle ronde d'instabilité politique et économique. D'autres pays qui se voient obligés de renflouer les coffres de certains maillons faibles de l'UE, comme la Grèce et le Portugal, pourraient-ils lui emboîter le pas?

Le Canada, qui tente de négocier un accord de libre-échange avec l'UE depuis plus de quatre ans, pourrait voir ses années d'efforts anéantis par ce débat. En juin, le premier ministre Stephen Harper s'est rendu à Londres pour plaider pour une conclusion rapide des négociations entre l'UE et le Canada. Les États-Unis ont aussi lancé des négociations de libre-échange avec l'UE en juin.

Un silence révélateur

Selon le professeur de droit à l'Université d'Ottawa Benoit Pelletier, le Canada fait preuve de sagesse en refusant de s'immiscer dans le débat sur l'avenir de l'ancienne mère patrie. Cela démontre aussi que le gouvernement Harper s'interroge quand même sur l'avenir de l'Europe.

«Ce n'est pas un enjeu qui nous touche directement. [...] J'ai toujours trouvé que l'Union européenne avait progressé trop rapidement et de façon trop élitiste. Trop souvent, la population n'a pas été bien informée. Je comprends tout à fait le réflexe britannique et, si j'étais le premier ministre du Canada, j'hésiterais aussi à prendre position», a dit l'expert en droit constitutionnel.

Cela dit, M. Pelletier ne croit pas que la décision du gouvernement Harper veut dire qu'il ne voudrait pas que les autres pays interviennent dans un éventuel débat référendaire au Québec.

«Je ne parierais pas là-dessus. Je pense que le Canada verrait probablement d'un bon oeil qu'un pays fasse connaître son intérêt pour l'unité canadienne, comme l'ont toujours fait les États-Unis», a dit l'ancien ministre des Affaires intergouvernementales dans le gouvernement Charest.

Dans les documents obtenus par La Presse, Wayne Wouters, greffier du Conseil privé, grand patron de la fonction publique, propose certaines options au premier ministre Stephen Harper dans ce dossier. Mais les options ont toutes été censurées dans les documents divulgués. On indique simplement que les travaux de la commission parlementaire sont «une priorité pour le premier ministre Cameron et les fonctionnaires britanniques».

- Avec William Leclerc