Le premier ministre Stephen Harper «a échappé le ballon» dans le dossier des négociations de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne en ne faisant pas de la signature d'une entente sa priorité absolue lorsque les États-Unis ont manifesté leur intérêt de conclure aussi un accord avec le Vieux Continent, il y a six mois.

Or, les États-Unis et l'Union européenne ont convenu le mois dernier, à l'issue du sommet du G8 en Irlande du Nord, de lancer des négociations afin de conclure un traité de libre-échange. Ces négociations, qui doivent débuter sous peu, risquent de reléguer les pourparlers entre Ottawa et Bruxelles au second plan. Et ce risque est bien réel, selon plusieurs observateurs.

«Le premier ministre aurait dû prendre personnellement ce dossier entre ses mains il y a six mois pour s'assurer que les négociations aboutissent. Nous étions si près d'un accord, mais le reste du chemin, c'est le premier ministre qui doit être aux commandes pour faire atterrir tout cela. S'il ne le fait pas, il n'y aura pas d'accord», a affirmé à La Presse une source proche des négociations, qui a requis l'anonymat.

Corée du Sud, prise 2?

«L'intervention du premier ministre aurait dû avoir lieu il y a six mois quand Barack Obama a annoncé que les États-Unis voulaient aussi négocier. Quand un autre joueur aussi gros que cela entre dans la pièce, c'est sûr que cela change l'allure du match», a illustré cette source.

Cette source a soutenu que le gouvernement Harper court le risque de voir le scénario des négociations avec la Corée du Sud se répéter. «Et c'est le pire des scénarios», a ajouté cette source.

Le Canada a entrepris des négociations de libre-échange avec la Corée du Sud en juillet 2005. Mais ces négociations ont été mises sur la glace en 2008 après un désaccord sur le secteur de l'automobile. Dans l'intervalle, les États-Unis ont aussi lancé des négociations avec la Corée du Sud, et les deux pays ont conclu un accord en mars 2012.

«La Corée du Sud est un marché intéressant pour nos exportateurs de porc. Mais les États-Unis sont en train de prendre une bonne part du marché coréen, et cela se fait au détriment de nos exportateurs», a affirmé cette source.

L'intervention de Harper requise

Les négociations entre le Canada et l'Union européenne durent depuis plus de quatre ans. La principale pierre d'achoppement demeure l'accès au marché européen pour les producteurs de boeuf et de porc canadiens. Plusieurs estiment que seule l'intervention politique du premier ministre Stephen Harper permettrait de surmonter cet obstacle.

L'UE serait prête à accepter des importations maximales de boeuf de 40 000 tonnes par année, mais le Canada exigerait un accès plus important, soit 100 000 tonnes. La France et l'Irlande sont les deux pays qui s'opposent le plus à un accès accru pour le boeuf canadien sur le marché européen.

Selon des informations obtenues mardi par La Presse, les représentants de l'UE doivent arriver à Ottawa la semaine prochaine afin d'entreprendre l'énième séance de négociations. En mai, les représentants canadiens ont passé près de trois semaines à Bruxelles sans arriver à régler l'impasse. «Au moins, le dialogue se poursuit. Mais c'est la seule bonne nouvelle dans ce dossier», a affirmé une autre source qui suit aussi de près les négociations.