La Norvège et le Comité international de la Croix-Rouge s'inquiètent du projet de loi du gouvernement Harper destiné à ratifier le traité visant à interdire les bombes à sous-munitions.

Leurs craintes s'ajoutent à une liste croissante d'organisations internationales et de gouvernements, qui affirment qu'une faille dans la législation canadienne risque de miner la Convention sur les armes à sous-munitions.

Le Canada a signé la convention en 2008, mais le projet de loi pour la ratifier n'a été déposé que l'an dernier, et est encore à l'étude au Parlement. Le Canada avait dirigé les efforts, dès 1996, pour rédiger le traité visant à interdire les mines antipersonnel - connu sous le nom de «Convention d'Ottawa».

Les bombes à sous-munitions ressemblent tristement aux mines terrestres. Une seule bombe de grande taille comporte des centaines de sous-munitions, de la taille d'une balle de baseball, qui sont dispersées sur un large territoire. Celles-ci représentent un très grand risque pour des milliers de civils innocents, particulièrement les enfants, qui ont été blessés ou tués dans une vingtaine de pays autrefois en guerre. De 10 à 40 % de ces sous-munitions parées de couleurs vives n'explosent pas immédiatement, demeurant au sol pendant parfois des décennies.

La lenteur d'Ottawa à ratifier la convention a soulevé des questions sur l'engagement réel du Canada envers le processus lors d'une récente rencontre, tenue à Genève, à propos du traité.

Les critiques les plus vives sont cependant réservées pour une faille dans le projet de loi, qui permettrait aux soldats des Forces canadiennes d'être impliqués dans l'utilisation de bombes à sous-munitions lors d'opérations conjointes avec des pays n'ayant pas accepté l'interdiction - principalement les États-Unis, qui n'ont pas non plus ratifié le traité sur les mines antipersonnel.

Lou Maresca, avocat à la Croix-Rouge, a déclaré à La Presse Canadienne que sa plus grande inquiétude concernait une disposition permettant à l'armée canadienne de transporter ou stocker les bombes interdites lors d'opérations conjointes.

«Pour nous, cela soulève d'importantes questions à propos du projet de loi, et de quelle façon cela a un impact parallèlement au but de la convention, qui est d'éliminer tout usage des bombes à sous-munitions», a-t-il dit.

Participant à une audience d'un comité sénatorial, l'automne dernier, le ministre canadien des Affaires étrangères John Baird, avait défendu la nécessité, pour le Canada, d'être en mesure de coopérer militairement avec les États-Unis. M. Baird a cependant assuré que le Canada n'utiliserait jamais d'armes interdites, mais devait préserver sa capacité de coopération avec son principal allié militaire.

La Chine, la Russie, l'Inde et Israël font partie des plus de 80 pays n'ayant pas signé la convention. Celle-ci compte 112 pays membres, dont 83 ont ratifié le traité.

Le Canada possède un stock de ce type d'armes qui n'a jamais été utilisé; celles-ci seraient en cours de destruction. Le ministre Baird a précisé que les Forces canadiennes publieraient une directive interdisant l'utilisant de ce type de bombes.

M. Baird prévient toutefois qu'un projet de loi plus sévère pourrait empêcher des militaires canadiens d'occuper des postes de haut niveau auprès de l'armée américaine.

Selon Me Maresca, plusieurs pays pressent Ottawa de modifier le projet de loi pour écarter toute implication possible du Canada dans une opération utilisant des bombes à sous-munitions.

Aux yeux du politologue américain Ken Rutherford, le Canada «a abdiqué son leadership moral» dans ce dossier.