Deux premiers ministres de l'Ouest et des députés conservateurs ont écorché lundi le chef du Parti libéral, Justin Trudeau, pour ses propos sur la réforme du Sénat.

En entrevue à La Presse samedi, M. Trudeau a soutenu qu'une réforme du Sénat serait impossible sans le consentement des provinces, notamment du Québec, sa province d'origine.

Mais c'est surtout cette déclaration qui a attiré l'attention de ses détracteurs: «On a 24 sénateurs au Québec et il y en a juste six d'Alberta et six de Colombie-Britannique, ça nous avantage. De vouloir l'abolir, c'est de la démagogie. Il va falloir l'améliorer.»

Le gouvernement Harper a saisi la balle au bond, accusant le leader libéral de vouloir faire de la politique sur le dos de l'Ouest canadien. Aux Communes, les troupes conservatrices ont rappelé que M. Trudeau a déjà affirmé aux Francs-Tireurs que le Canada «fait dur» parce qu'il est dirigé par des Albertains. Il avait également qualifié de paresseux ceux qui n'apprennent pas les deux langues officielles.

«Il est le pire chef du Parti libéral, a déclaré le minsitre conservateur James Moore, qui a remplacé Stephen Harper en chambre lundi. À répétition, il a lancé des flèches à l'Ouest et lorsqu'il arrive en chambre, il prétend défendre leurs intérêts.»

Deux premiers ministres provinciaux se sont joints au choeur des critiques. La leader albertaine Alison Redford et son homologue de la Saskatchewan, Brad Wall, se sont  dits «déçus» des propos de M. Trudeau.

«Déçu de Justin Trudeau, a écrit M. Wall sur son compte Twitter. Il s'oppose à l'abolition parce que le statut quo du Sénat donne un avantage au Québec sur l'Ouest.»

«Pas besoin d'opposer l'Alberta et la Colombie-Britannique contre les régions, a renchéri Mme Redford, toujours sur Twitter. Nous avons besoin d'un Sénat élu, équitable et redevable aux Canadiens.»

Le chef néo-démocrate, Thomas Mulcair, a lancé la semaine dernière une campagne visant l'abolition du Sénat. Il a accusé son rival libéral de vouloir maintenir le statut quo en dépit du scandale des dépenses qui ébranle la Chambre haute.

«Pour Justin Trudeau, le seul problème avec le Sénat c'est qu'il n'y a pas assez de sénateurs libéraux, a raillé M. Mulcair. Il ne voit pas le fait que c'est une institution complètement désuète qui doit absolument être abolie.»

Aucun regret

En point de presse, M. Trudeau a dit n'avoir aucun regret au sujet de sa déclaration à La Presse. Il affirme qu'il ne faisait qu'énoncer une «réalité constitutionnelle», et non une opinion.

«On est dans une situation où, dans le statut quo actuel, on a un certain nombre des sénateurs qui avantagent numériquement l'Est du pays plutôt que l'Ouest du pays, a-t-il expliqué. Alors si on l'abolissait, ça désavantagerait l'Est. Par contre, si on est en train d'élire des sénateurs sans changer le nombre, sans changer la Constitution, ce serait un désavantage pour l'Ouest.»

Le chef libéral a réitéré qu'il est favorable à une réforme du Sénat, même s'il s'oppose à son abolition.

Il a par ailleurs accusé les conservateurs de récupérer ses propos dans le but de faire distraction de l'affaire Mike Duffy qui ébranle le gouvernement Harper depuis deux semaines.

«Je comprends pourquoi ce gouvernement veut essayer de distraire de ses problèmes par rapport à l'éthique, son manque de jugement, son obstruction par rapport à l'enquête sur la fraude électorale, a dit M. Trudeau. Il y a bien des problèmes auxquels ce gouvernement fait face et ils veulent parler du Sénat.»