La tempête provoquée par les allocations de logement qu'il a touchées alors qu'il n'y avait pas droit a finalement eu raison du sénateur Mike Duffy. Devant les questions qui s'accumulent, l'ancien journaliste nommé à la Chambre haute par Stephen Harper a démissionné du caucus conservateur et siégera dorénavant à titre de sénateur indépendant.

Cette controverse a pris une nouvelle tournure cette semaine après les révélations selon lesquelles le chef de cabinet de Stephen Harper, Nigel Wright, a signé un chèque personnel de 90 000 $ afin de rembourser la somme qu'a empochée indûment Mike Duffy en frais de logement au cours des quatre dernières années.

M. Duffy est le deuxième sénateur nommé par Stephen Harper qui quitte le caucus conservateur dans la foulée de révélations troublantes, après le sénateur Patrick Brazeau, qui siège aussi maintenant comme sénateur indépendant. M. Brazeau a été expulsé du caucus après avoir été accusé de voies de fait sur une personne par la police de Gatineau. Il a aussi réclamé des allocations de logement alors qu'il n'y avait pas droit.

Même si M. Wright a entrepris cette démarche sans informer M. Harper, le premier ministre a fait savoir qu'il a toujours confiance en son chef de cabinet, un ancien dirigeant de la haute finance de Bay Street.

«Il est clair que la controverse publique me concernant et entourant le remboursement des frais du Sénat est devenue une importante distraction pour mes collègues du caucus et pour le gouvernement. Puisque ma présence au sein du caucus conservateur ne fait qu'accroître cette distraction, j'ai décidé de démissionner du caucus et de siéger comme sénateur indépendant jusqu'à ce que cette question soit tirée au clair», a affirmé M. Duffy dans un communiqué émis hier soir.

Il a dit avoir espoir de regagner le caucus conservateur. Dans l'intervalle, il a dit vouloir «demeurer à l'écart du public» en affirmant que les derniers mois ont été difficiles.

Informations contradictoires

Une source conservatrice a indiqué hier soir que de nouvelles informations contredisaient certaines déclarations du sénateur au sujet de ses réclamations. «Il y a un nombre grandissant de questions au sujet du comportement de M. Duffy qui demeurent sans réponse. M. Duffy devra y répondre à titre de sénateur indépendant», a-t-on indiqué.

La commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, Mary Dawson, a décidé d'examiner les tenants et aboutissants du cadeau pécuniaire de Nigel Wright avant de déterminer si une enquête en bonne et due forme est justifiée. Carl Vallée, porte-parole de M. Harper, a précisé que le bureau du premier ministre collabore avec la commissaire à l'éthique.

D'ailleurs, certaines contradictions sont apparues dans le fil des événements au cours des dernières heures, car Mike Duffy a certifié au réseau CTV, dans un courriel envoyé mardi soir, qu'il avait remboursé les contribuables grâce à un prêt de la Banque Royale et que Nigel Wright n'avait pas joué un rôle dans cette affaire. Or, le bureau du premier ministre a maintenu hier la version selon laquelle M. Wright a écrit un chèque personnel et qu'il ne s'attend pas à être remboursé.

En outre, le réseau CBC a rapporté hier que le sénateur conservateur aurait réclamé des remboursements de dépenses, à la fois aux contribuables et au Parti conservateur, pendant qu'il faisait campagne en faveur de certains candidats conservateurs durant l'élection du printemps 2011.

«La déclaration de M. Duffy sur l'existence d'un prêt bancaire était une surprise. Toutes les révélations au sujet des dépenses de campagne sont nouvelles», a précisé une source conservatrice.

La conseillère sénatoriale en éthique, Lyse Ricard, se penche aussi sur cette affaire, d'autant plus que le sénateur Mike Duffy n'a pas déclaré, comme il a l'obligation de le faire, le cadeau de 90 000 $ de Nigel Wright.

Examen à la GRC

La Gendarmerie royale du Canada a pour sa part entrepris un examen des réclamations de dépenses du sénateur Duffy et des sénateurs indépendants Patrick Brazeau et Mac Harb, qui ont aussi empoché indûment des allocations de logement.

Un sénateur peut réclamer une telle allocation de logement de 22 000 $ par année si sa résidence principale est située à plus de 100 kilomètres de la colline parlementaire. Or, des enquêtes ont démontré que les trois sénateurs en question demeurent dans la région de la capitale nationale.

Depuis que Mike Duffy a été nommé au Sénat, en décembre 2008, les stratèges conservateurs ont souvent eu recours aux talents de communicateur de l'ancien journaliste de CTV pour animer des soirées de collecte de fonds du parti ou encore pour interroger Stephen Harper d'une manière qui avantage le premier ministre.