Même s'il a fait un cadeau de 90 000 $ au sénateur Mike Duffy pour l'aider à rembourser au Sénat ses allocations de logement, le chef de cabinet de Stephen Harper conserve toute la confiance du premier ministre.

Et cela, même si Nigel Wright n'a pas informé M. Harper de sa délicate démarche qui soulève pourtant des questions.

L'affaire fera peut-être aussi l'objet d'une enquête.

La commissaire fédérale à l'éthique, Mary Dawson, a mis son nez dans ce dossier et est en contact avec M. Wright à ce sujet. Elle n'a toutefois pas encore décidé si une enquête sera de mise, a indiqué son bureau.

«Mary Dawson est en train d'approfondir la question relative au rôle qu'a joué M. Nigel Wright dans le remboursement des dépenses d'un sénateur. Elle effectue actuellement un suivi auprès de M. Wright par rapport à ses obligations en vertu de la Loi sur les conflits d'intérêts», est-il écrit sur le site Internet du Commissariat.

La conseillère sénatoriale en éthique va peut-être aussi s'en mêler: le Nouveau Parti démocratique (NPD) lui a formellement demandé jeudi de faire enquête sur ce cadeau de 90 000 $ à M. Duffy.

Le NPD a ainsi envoyé une lettre officielle à la conseillère Lyse Ricard pour lui demander d'examiner ce généreux don.

Contacté jeudi, son bureau a affirmé ne pas encore avoir reçu la lettre signée par le député néo-démocrate Charlie Angus, porte-parole en éthique pour le parti. Son bureau a toutefois laissé entendre qu'il n'ouvrirait pas d'enquête à la demande d'un député. Une investigation peut toutefois être déclenchée à la suite d'une demande d'un autre sénateur ou à l'initiative du conseiller sénatorial en éthique, avec l'autorisation du comité d'éthique au Sénat, lorsqu'il croit qu'une enquête s'impose après avoir reçu des éléments de preuve importants, a-t-on indiqué.

Le bureau du premier ministre a confirmé mercredi que M. Wright a fait un chèque personnel au sénateur pour couvrir le remboursement des allocations de logement pour une résidence secondaire qu'il aurait perçues sans y avoir droit.

Jeudi, le chef de cabinet n'a pas essuyé de reproches pour ses gestes.

«M. Wright garde la confiance du premier ministre», a fait savoir un porte-parole du bureau de M. Harper, sans vouloir en dire plus.

Quant au sénateur Duffy, alors que le gouvernement avait loué son remboursement rapide au Sénat, il n'avait pas dévoilé la provenance de l'argent, soit le chéquier de M. Wright.

Le NPD croit qu'en acceptant ledit cadeau, le sénateur pourrait avoir enfreint certaines règles d'éthique du Sénat, soit celles régissant les conflits d'intérêts, en plus d'avoir violé la Loi sur le Parlement du Canada.

Le parti souligne notamment, dans sa lettre à Mme Ricard, la règle qui prévoit qu'un sénateur ne peut, directement ou indirectement, accepter de cadeaux ou d'autres avantages qui pourraient raisonnablement être considérés comme ayant un rapport avec sa charge de sénateur.

Sauf pour des marques normales de courtoisie ou d'accueil, est-il précisé dans les règles.

«Premièrement, il va sans dire qu'un chèque d'un montant aussi élevé est loin de constituer une marque normale de courtoisie», a noté Charlie Angus dans sa lettre.

«Ça a toutes les apparences d'une magouille entre le Sénat et les amis conservateurs au Sénat et le bureau du premier ministre», a commenté jeudi le député néo-démocrate Alexandre Boulerice.

Il note que Nigel Wright n'est pas n'importe qui: il se trouve dans une position stratégique auprès du premier ministre.

«D'un point de vue moral, quel est le message que Nigel Wright vient d'envoyer? Que vous pouvez essayer de frauder le système, si vous ne vous faites pas pogner, tant mieux. Si vous vous faites pogner, bien ça se peut qu'on soit là pour vous aider puis vous sauver la peau et on va sortir le chéquier», s'est indigné M. Boulerice.

Le NPD veut également la confirmation que M. Duffy a bel et bien déclaré la valeur totale de ce cadeau dans les 30 jours suivants sa réception, comme l'exigent les règles.

Le sénateur Duffy est dans l'eau chaude depuis qu'il a été accusé - avec d'autres sénateurs - d'avoir réclamé des allocations de logement pour une résidence secondaire dans la région d'Ottawa, alors qu'il s'agirait en fait de sa résidence principale.

Les réclamations de dépenses des sénateurs Mike Duffy, Marc Harb et Patrick Brazeau ont été récemment examinées par la firme comptable Deloitte.

Celle-ci a conclu que le sénateur Duffy vit principalement à Ottawa - plutôt qu'à l'Île-du-Prince-Édouard - mais que les règles qui permettent la réclamation d'allocations pour une résidence secondaire dans la capitale nationale ne sont pas claires.

Le sénateur avait remboursé les allocations avant même que Deloitte ait terminé son examen des dépenses.