Le Sénat a exigé que deux sénateurs remboursent à eux deux 100 000 $ en frais de subsistance, jeudi, dans la foulée de la publication de trois rapports d'évaluations externes qui ont mené à une démission et à des appels à une enquête policière.

La firme Deloitte a été mandatée par la Chambre haute de faire l'examen des réclamations de logement présentées depuis deux ans par les sénateurs Patrick Brazeau, Mike Duffy et Mac Harb.

Les règles du Sénat permettent aux sénateurs dont la résidence principale est à plus de 100 km de la capitale canadienne de toucher plus de 20 000$ par année en frais de logement, de repas et de déplacements. MM. Brazeau, Duffy et Harb ont tous déclaré une résidence principale à l'extérieur de ce rayon de 100 km. Mais des médias ont mis en doute ces affirmations et fait valoir que les trois politiciens vivaient véritablement dans la région de la capitale.

Après examen de factures de téléphones cellulaires et de relevés bancaires, la firme Deloitte a conclu que M. Brazeau avait passé seulement 10% de son temps dans ce qu'il a décrit comme étant sa résidence principale à Maniwaki; Mac Harb a vécu dans les villages ontariens de Cobden ou Westmeath 21% du temps; et l'ancien journaliste Mike Duffy vivait à 30% dans sa résidence principale déclarée de Cavendish, à l'Île-du-Prince-Édouard.

Remboursements exigés

La firme a cependant noté que les règles en vigueur au Sénat au moment où ces réclamations ont été faites n'étaient pas claires, puisqu'elles ne définissaient pas ce qu'était une «résidence principale».

Ces réserves n'ont pas empêché un comité sénatorial d'ordonner à Patrick Brazeau et à Mac Harb, hier, de rembourser les sommes réclamées depuis deux ans. Le premier devra donc payer 48 744$ et le second, 51 482$.

Le conservateur Mike Duffy avait déjà remboursé 90 000$ au Sénat pour les frais de subsistance qu'il avait réclamés depuis 2008. Ce remboursement inclut une réclamation erronée d'une indemnité quotidienne de 1050$ réservé aux séjours à Ottawa - mais il était en Floride. M. Duffy a qualifié d'«oubli administratif» cette réclamation révélée dans le rapport qui le concerne.

Enquête policière?

Pour s'assurer que ce genre de situation ne se reproduise pas dans le futur, le comité permanent de la régie interne du Sénat, à majorité conservatrice, a recommandé une douzaine de changements aux règles. «Le sérieux avec lequel nous traitons cette affaire est déterminant pour notre avenir», a déclaré solennellement son président, David Tkachuk, au moment de déposer les rapports au Sénat.

Mais aux yeux de l'opposition, ces mesures ne sont pas suffisantes: les libéraux et le NPD réclament aussi une enquête policière de la GRC. «Si un citoyen ordinaire faisait cela, le gouvernement et la police leur tomberaient dessus comme une tonne de briques», a lancé le député néo-démocrate Charlie Angus.

La GRC a pour politique de ne pas confirmer la tenue d'une enquête.

Démission et litige

Quoi qu'il arrive, les sénateurs Harb et Brazeau ne semblent pas être au bout de leurs peines. M. Brazeau fait face à la justice criminelle dans une autre affaire, qui lui a déjà valu une arrestation, une expulsion du caucus conservateur et une suspension du Sénat.

Quant à Mac Harb, le comité de régie interne a annoncé hier qu'il passerait maintenant au peigne fin ses réclamations des sept dernières années. M. Harb a réagi en démissionnant du caucus libéral et en retenant les services d'une firme d'avocat pour faire annuler la décision du comité.