Le gouvernement Harper, qui lutte encore contre un déficit de 26 milliards, prêche l'austérité dans l'appareil fédéral depuis deux ans. Mais cela ne l'empêche pas de délier les cordons de sa bourse pour certaines activités qui lui permettent de rehausser son image aux yeux des Canadiens.

Une cérémonie visant à remettre le nouveau Prix du bénévolat du premier ministre à 17 Canadiens, en décembre dernier, a coûté quelque 145 000$ aux contribuables, a appris La Presse.

Le gouvernement fédéral a notamment déboursé 28 732$ en billets d'avion pour les 17 lauréats, qui avaient droit à un invité chacun; 2200$ pour des autobus nolisés; 3400$ en frais de taxi; 14 136$ en chambres d'hôtel; 8144$ en frais de repas; 21 000$ en services professionnels et 31 331$ en d'autres frais.

La ministre des Ressources humaines, Diane Finley, a autorisé ces dépenses, selon des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Le premier ministre Stephen Harper a annoncé la création de ce prix en janvier 2011. L'objectif est de reconnaître la contribution des bénévoles à la société et d'encourager les Canadiens à donner davantage de leur temps.

Le hic, c'est qu'un tel prix pour honorer les personnes «qui donnent bénévolement de leur temps pour venir en aide aux autres» existe déjà... depuis 1995. Le Prix du gouverneur général pour l'entraide a en effet été créé par l'ancien représentant de la reine Élisabeth II au Canada, Roméo LeBlanc.

La remise des prix du premier ministre s'est déroulée sur la colline parlementaire, et d'autres activités connexes ont eu lieu au Musée canadien de la civilisation et à l'hôtel Lord Elgin, les 13 et 14 décembre.

Pas d'invitation pour l'opposition

La cérémonie sur la colline, au cours de laquelle le premier ministre Stephen Harper a pris la parole, a été marquée par la controverse. Cinq députés néo-démocrates et deux députés libéraux ont vu leur nom rayé de la liste des invités, même si certaines des personnes honorées venaient de leur circonscription.

Résultat: seuls des députés et ministres conservateurs ont pu assister à la cérémonie. Ils avaient reçu une invitation 24 heures auparavant de la part de la ministre Diane Finley. Les craintes des députés de l'opposition, qui soupçonnaient le premier ministre Stephen Harper de vouloir créer un tel prix en 2011 par «opportunisme politique», se sont ainsi amplifiées.

Le député néo-démocrate de Longueuil-Pierre-Boucher, Pierre Nantel, est l'un de ceux qui ont été exclus. Déjà en colère d'avoir été écarté à son insu par les conservateurs, M. Nantel s'est dit sidéré hier d'apprendre les coûts de cet événement.

«C'est incroyable! On ne peut pas être contre la vertu. Mais ça ne sert à rien de la sortir, cette vertu, juste pour mettre son nom dessus. Je serais très curieux de savoir ce que penseraient ces bénévoles honorés s'ils savaient qu'on a dépensé tout cet argent pour une cérémonie au lieu de soutenir les organismes pour lesquels ils font du bénévolat. De toute évidence, cela sert surtout à faire du capital politique pour les conservateurs», a dit M. Nantel.

Au bureau du premier ministre, le porte-parole Carl Vallée a défendu ce programme: «Le premier ministre tient à souligner la contribution inestimable des bénévoles à notre société et ces prix sont une façon de montrer notre gratitude envers ces gens qui, sans faire de bruit, prennent soin de nos aînés, participent à la formation de notre jeunesse ou même parfois risquent leur propre vie sans demander quoi que ce soit en retour. Et cette liste n'est pas exhaustive! C'est la moindre des choses de les reconnaître et nous sommes fiers des efforts que nous faisons en ce sens.»

-Avec William Leclerc