Les partis de l'opposition accusent le gouvernement de récupérer la tragédie de Boston à des fins politiques en imposant un débat sur le durcissement des règles antiterroristes à la Chambre des communes lundi.

Contre toute attente, le gouvernement Harper a annoncé en fin de journée vendredi qu'il imposerait ce débat sur le projet de loi S-7, soit la Loi sur la lutte contre le terrorisme, plutôt que sur la motion du Parti libéral du Canada qui était à l'horaire. Cette motion portait sur la liberté d'expression des députés au Parlement.

Le projet de loi S-7 vise notamment à rétablir certaines dispositions adoptées dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001, mais qui ont expiré depuis. Au cours des dernières années, elles ont fait l'objet d'études en comités parlementaires et de plusieurs projets de loi, mais les nombreuses élections et prorogations ont jusqu'ici empêché leur adoption.

La loi sur la lutte contre le terrorisme propose par exemple de rétablir les dispositions permettant d'arrêter ou d'interroger une personne à titre préventif lorsqu'on le juge nécessaire pour empêcher un acte terroriste. Les nouvelles règles permettraient aussi d'interdire à une personne de quitter le Canada si elle le fait pour participer à un tel acte.

Les partis de l'opposition ont exprimé des craintes sur le contenu du projet de loi, et sur le moment choisi par les conservateurs pour en débattre en troisième lecture. Il s'agit de la dernière étape avant son adoption.

«Pourquoi, d'un côté, le gouvernement utilise les évènements tragiques de Boston pour redorer leur blason, tandis que discrètement, ils suppriment les postes d'inspecteurs (de l'Agence canadienne des services frontaliers) qui pourraient empêcher les terroristes d'entrer au Canada», a lancé le député du NPD Dany Morin à la Chambre des communes lundi.

«Toutes ces démarches (...) puent la partisanerie et ça, je le déplore sincèrement», a renchéri M. Morin.

Le NPD a appelé le gouvernement à la tenue d'un débat plus posé sur ces questions importantes pour les libertés individuelles au Canada. «J'ai peur que de donner au gouvernement conservateur ce genre de libertés-là, avec S7, qu'ils viennent créer des problèmes dans quelques mois, dans quelques années et que là, il va être trop tard», s'est inquiété Dany Morin.

Contre Trudeau?

Selon le NPD, le Parti libéral et plusieurs observateurs, le gouvernement a décidé de débattre de ce projet de loi pour mettre le nouveau chef libéral Justin Trudeau dans l'embarras. La semaine dernière, le premier ministre Stephen Harper et M. Trudeau ont eu leur premier désaccord public depuis l'élection de ce dernier au sujet du besoin - ou non - de s'interroger sur les causes à l'origine du sentiment d'exclusion des auteurs d'actes terroristes.

M. Harper a affirmé que ce n'était pas le moment, à la suite d'une telle tragédie, de «s'assoir et de tenter de rationaliser». Il réagissait aux propos du chef libéral, qui avait indiqué qu'on devrait se questionner pour savoir d'où provient ce sentiment d'exclusion qui pousse certaines personnes à attaquer des innocents.

À la Chambre des communes, la députée conservatrice Candice Bergen a défendu la décision de son parti de débattre du projet de loi S-7 maintenant: «Je veux rassurer le NPD et le Parti libéral en leur disant: ce n'est pas à propos de vous. Ils doivent arrêter de se regarder le nombril et de penser que le monde entier tourne autour d'eux», a-t-elle raillé.

«Comme nous l'avons vu cette dernière semaine à Boston, ainsi qu'à London en Ontario, a-t-elle poursuivi, nous savons que le terrorisme ou la menace du terrorisme n'est pas quelque chose qui n'affecte que les pays lointains.»

Elle a précisé que le travail des parlementaires était de s'assurer que le public canadien soit protégé et que la police ait les outils nécessaires.