Le gouvernement conservateur devra régler une revendication territoriale pour une grande partie du Manitoba, après que la Fédération des Métis eut remporté une victoire importante dans un litige foncier de presque 150 ans.

La Cour suprême du Canada a tranché à six contre deux que la manière dont le gouvernement fédéral a remis des terres aux enfants des Métis dans les années 1870 violait ses obligations constitutionnelles.

«La Couronne fédérale n'a pas mis en oeuvre de façon honorable la disposition prévoyant la concession de terres», peut-on lire dans le jugement de la Cour suprême.

La saga judiciaire découlait d'une convention à la base de la fondation de la province du Manitoba.

La Fédération des Métis du Manitoba soutenait que le gouvernement fédéral n'avait jamais respecté son obligation de réserver des milliers de kilomètres de terres - dont le territoire où se situe aujourd'hui la ville de Winnipeg - pour les Métis de la rivière Rouge et leurs enfants.

La Couronne «a fait preuve d'un manque persistant d'attention et qu'elle n'a pas agi avec diligence» afin de respecter un engagement de concession des terres, lit-on dans le jugement.

«Il ne s'agissait pas d'une négligence passagère, mais plutôt d'une série d'erreurs et d'inactions qui ont persisté pendant plus d'une décennie (...) Ce comportement ne correspondait pas à celui qu'exigeait l'honneur de la Couronne: un gouvernement sincèrement désireux de respecter l'obligation que lui commandait son honneur pouvait et aurait dû faire mieux.»

Les avocats du gouvernement plaidaient que la contestation judiciaire avait été intentée trop longtemps après la transaction foncière, et qu'Ottawa n'avait en réalité pas violé sa partie de l'accord.

La décision de la Cour suprême, à la suite d'une bataille judiciaire qui durait depuis plus de 30 ans, pourrait ouvrir la porte à des négociations pour revendications territoriales.

Les Métis ont déclaré qu'ils n'avaient pas l'intention de regagner leurs terres, mais qu'ils voulaient négocier avec le gouvernement fédéral afin d'être compensés pour les entraves du passé.

«J'espère que notre gouvernement fédéral sera ouvert et compréhensif, et qu'il voudra faire la bonne chose pour la nation métis et tous les Canadiens», a déclaré aux médias David Chartrand, de la Fédération des Métis du Manitoba, sans préciser combien les Métis pourraient demander en compensation, ou quelles autres demandes seraient faites.

Il n'est pas certain que des négociations auront lieu. Le gouvernement Harper a souligné que la décision de la Cour suprême ne suggérait aucune solution pour les Métis.

Greg Rickford, le secrétaire parlementaire du nouveau ministre des Affaires autochtones, Bernard Valcourt, a souligné que la décision appelait le gouvernement à continuer «à améliorer les vies et les politiques concernant les Métis de partout au Canada».

L'ancien juge Thomas Berger, qui représentait la Fédération des Métis du Manitoba, a fait valoir que les Métis avaient «démontré qu'il y a toutes les raisons pour que des négociations aient lieu maintenant pour remédier à cette erreur historique».

«La Cour suprême est intervenue et a dit qu'aussi longtemps que cette question n'avait pas été examinée, il ne pourrait y avoir de réconciliation entre le Canada et les Métis du Manitoba. Selon moi, c'est un appel à des négociations», a-t-il estimé.

Des groupes métis de l'Ontario et de l'Alberta, ainsi que les néo-démocrates fédéraux, ont aussi appelé à des négociations.

C'est la deuxième fois en quelques mois que les tribunaux tranchent en faveur des Métis dans des causes importantes. La Cour fédérale a récemment statué que les Métis et les Indiens non inscrits étaient considérés comme «Indiens» en vertu de la Constitution, ce qui étendrait les responsabilités du gouvernement fédéral envers les Autochtones. Ottawa en a appelé de cette décision.