Tom Flanagan, ancien proche collaborateur de Stephen Harper, a affirmé cette semaine que le fait de visionner de la pornographie juvénile ne cause de mal à personne. Il a présenté ses excuses jeudi après-midi et a pris sa retraite du poste de professeur qu'il occupait à l'Université de Calgary.

Celui qui a déjà été chef de cabinet de M. Harper et qui a dirigé plusieurs de ses campagnes électorales a fait ces déclarations mercredi dans un discours prononcé à l'Université de Lethbridge, en Alberta.

« Je n'ai certainement aucune sympathie pour les agresseurs d'enfants. Mais j'ai des doutes importants quant à mettre des gens en prison en raison de leurs goûts en matière de photos », a-t-il dit.

« C'est un véritable enjeu de liberté individuelle. Nous mettons des gens en prison pour avoir fait quelque chose qui ne cause pas de mal à une autre personne », a-t-il poursuivi.

Il répondait à la question d'un étudiant au sujet d'une déclaration qu'il aurait faite à ce sujet dans le passé. « En fait, c'est un autre débat intéressant : qu'y a-t-il de mal avec la pornographie juvénile - dans le sens que c'est seulement des photos? Mais je ne suis pas ici pour débattre de cela aujourd'hui », avait-il déclaré lors d'un allocution à l'Université du Manitoba en 2009.

Mercredi, sa réponse a suscité des huées et des invectives dans la salle de classe. « C'est dégueulasse! » a lancé une femme.

«Vous soutenez cela? Le gouvernement conservateur? C'est malade! » a dit un homme.

M. Flanagan a répondu qu'il ne faisait pas partie de ce gouvernement et qu'il entretenait des doutes quant à certaines de ses initiatives.

Encore cette année, les troupes de Stephen Harper ont érigé en priorité la lutte contre la violence sexuelle à l'égard des mineurs. Un projet de loi déposé à la Chambre des communes il y a quelques semaines vise à durcir encore le ton contre les personnes coupables de tels crimes.

L'année dernière, le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, avait même accusé les partis de l'opposition qui refusaient de voter pour un projet de loi en ce sens de se ranger du côté des adeptes de pornographie juvénile.

Excuses

Le directeur des communications du premier ministre Harper, Andrew MacDougall, a vivement dénoncé cette nouvelle sortie. « Les commentaires de Flanagan sur la pornographie juvénile sont répugnants, ignorants et ahurissants », a-t-il dit.

Le principal intéressé a présenté des excuses publiques dans un communiqué de presse diffusé quelques heures après le début de la controverse.

« Dans un contexte académique, j'ai soulevé la question théorique de jusqu'où la criminalisation devrait aller en matière de consommation de pornographie, a-t-il écrit. Mes mots étaient mal choisis et dans l'indignation qui a suivi, je n'ai pu exprimer mon horreur de la pornographie juvénile et de l'abus sexuel d'enfants.

« Je présente mes excuses sans réserve à toutes les personnes que j'ai pu offenser par ma déclaration, et plus particulièrement aux victimes d'abus sexuel et à leur famille. »

En vidéo: l'échange entre les deux hommes

Remercié par le Wildrose et CBC

M. Flanagan n'est plus considéré comme proche de Stephen Harper. Il est professeur de sciences politiques à l'Université de Calgary et collabore régulièrement à des émissions politiques de CBC.

L'un des architectes de la montée de la droite canadienne, il est l'une des figures de proue de la mouvance réformiste et libertarienne albertaine. Il a dirigé la campagne électorale du Wildrose Party aux dernières élections provinciales, en 2012.

La chef du Wildrose, Danielle Smith, a indiqué dans un communiqué de presse qu'il ne travaillerait plus pour son parti. « Il n'y a pas de mot assez fort pour condamner ce qu'a dit M. Flanagan », a-t-elle dit.

« Le visionnement de pornographie juvénile requiert d'abord la production de pornographie juvénile, qui cause des souffrances et des abus indicibles aux enfants », a-t-elle ajouté.

« Pour être clair, le Dr Flanagan ne parle pas en mon nom ni en celui du caucus du Wildrose et il n'aura aucun rôle - formel ou informel - avec notre organisation à partir de maintenant », a conclu Mme Smith.

CBC a aussi pris la décision de mettre un terme à son association avec le commentateur de l'émission Power and Politics: «Tandis que nous supportons et encourageons la liberté d'expression à travers le pays et une diversité des points de vue, nous croyons que les commentaires de M. Flanagan sont allés trop loin et ont miné sa crédibilité en tant que commentateur pour nous», peut-on lire dans un communiqué de presse anglais diffusé par la société d'État.

Le professeur quittera aussi l'université de Calgary : «Aux yeux de l'université, la pornographie infantile n'est pas un crime sans victime. Tous les aspects de ce crime horrifique impliquent l'exploitation d'enfants», a écrit la présidente de l'Université, Elizabeth Cannon, dans une déclaration publiée sur le site web de l'institution albertaine.

«Tom Flanagan était en congé de recherche de l'Université de Calgary, financé par une bourse, depuis janvier 2013. Tom Flanagan restera en congé et prendra sa retraite de l'université le 30 juin 2013.»

Tom Flanagan n'en est pas à ses premières déclarations controversées. Sur les ondes de CBC dans la foulée des fuites de câbles diplomatiques par Wikileaks, par exemple, il avait indiqué que Barack Obama devrait faire assassiner le fondateur de l'organisme, Julian Assange.