Un deuxième député québécois claque la porte du Nouveau Parti démocratique. Claude Patry, qui représente Jonquière-Alma, a annoncé jeudi qu'il passe au Bloc québécois, une décision dont se sont régalés les adversaires du chef néo-démocrate, Thomas Mulcair.

M. Patry est l'un des 59 députés québécois portés à la Chambre des communes par la « vague orange » de mai 2011. Il est le deuxième à quitter le navire depuis, et le premier sous le règne de M. Mulcair.

« Comme beaucoup de Québécois, en 2011, j'ai cru que le NPD était géré différemment des libéraux et des conservateurs, et qu'il reconnaîtrait véritablement les aspirations de la nation québécoise, a dit M. Patry. Les récentes prises de position du NPD sur la loi de la clarté et sur le projet Churchill Falls démontrent de façon flagrante que le parti privilégie les intérêts du Canada au détriment de ceux de la nation québécoise. »

Le député, qui a voté « oui » aux référendums de 1980 et 1995, s'est dit « mal à l'aise » avec certaines prises de position du NPD. En premier lieu, il cite l'exemple du projet de loi sur la clarté référendaire.

Rappelons que, en réponse au projet de loi bloquiste qui proposait d'abroger la loi sur la clarté, le NPD a proposé un projet de loi privé qui la modifie. S'il est adopté, Ottawa reconnaîtrait un référendum gagnant avec une majorité de 50% des voix + 1. Il faudrait toutefois que la question référendaire soit claire.

Le projet de loi n'a pas créé beaucoup de vagues au Québec, mais il a valu au chef néo-démocrate de vives critiques au Canada anglais, notamment dans les éditoriaux.

Claude Patry estime que l'initiative aurait pour effet d'imposer des « conditions » au Québec, ce qu'il juge inacceptable.

Le député a aussi évoqué son inconfort face à l'appui néo-démocrate à l'aide financière fédérale à l'exploitation hydroélectrique du Bas-Churchill, au Labrador. Ce soutien d'Ottawa a été vivement dénoncé par le gouvernement Marois, qui craint que la province voisine ne livre une « concurrence déloyale » à Hydro-Québec.

Cette défection porte à cinq le nombre de députés du Bloc québécois à la Chambre des communes. Ce nombre n'est pas suffisant pour permettre à la formation d'obtenir le statut de parti officiel au Parlement fédéral.

Le chef bloquiste, Daniel Paillé, a pour sa part tendu la main à d'autres députés néo-démocrates qui seraient déçus des prises de position de leur parti.

« Comme chef du Bloc québécois, je serai toujours très accueillant envers celles et ceux qui gardent leurs convictions sans aucune compromission, sans compromis, a affirmé le chef bloquiste, Daniel Paillé. M. Patry est maintenant avec le Bloc québécois, à d'autres de poursuivre leur réflexion. »

Thomas Mulcair a rappelé que M. Patry a voté en faveur d'une motion néo-démocrate qui aurait fait en sorte que le siège d'un député qui change de parti soit réputé vacant. Si le député est fidèle à sa conviction, dit-il, il doit démissionner et se soumettre à une élection partielle.

Le chef néo-démocrate s'est dit convaincu qu'aucun membre de son caucus québécois ne songe à imiter Claude Patry. Ils ont tous appuyé la déclaration de Sherbrooke, ce document politique par lequel le NPD reconnaît la spécificité du Québec dans la Confédération canadienne. C'est à la lumière de ce document que le NPD a proposé son projet de loi sur la clarté référendaire.

« Dans le reste du Canada, il y en a qui disent que tout le monde devrait être pareil, a dit M. Mulcair. Nous, on sait que le Québec est différent, a le droit d'avoir une considération différente au sein des institutions. »

Le parti reste résolument fédéraliste, a-t-il précisé.

Harper parle de «Bloc orange»

Les adversaires politiques de M. Mulcair ont promptement fait leurs choux gras de cette défection. En point de presse à Rivière-du-Loup, le premier ministre Stephen Harper s'est dit inquiet des tendances souverainistes de certains députés du NPD.

«C'est une question qui nous préoccupe depuis un certain temps: l'ambiguïté sur la question de l'unité nationale, sur l'unité canadienne, que nous avons parmi certains députés du caucus du NPD au Québec», a-t-il dit dans la version anglaise de sa réponse.

«Ce phénomène du Bloc orange devrait faire réfléchir les gens, a-t-il poursuivi. Et ce qui est arrivé aujourd'hui est un autre exemple de ce problème.»

Jour après jour depuis plusieurs mois, le député conservateur Pierre Poilièvre répond presque à chaque question de son adversaire néo-démocrate Alexandre Boulerice à la Chambre des communes en soulignant ses contributions financières passées à Québec solidaire et en mettant en doute sa loyauté au Canada.

Aux communes, les députés conservateurs ont d'ailleurs montré du doigt le coin occupé par les bloquistes lorsque M. Boulerice s'est levé pour poser une question, comme pour l'inviter à se rendre de ce côté de la salle. En anglais, le député Poilièvre s'est demandé s'il se trouvait face au NPD ou face au PQ.

Le chef libéral, Bob Rae, voit dans la décision de M. Patry la preuve que plusieurs députés néo-démocrates sont souverainistes militant au sein d'un parti fédéraliste.

« Ça montre jusqu'à quel point NPD reste toujours une coalition très, très fragile avec tous les éléments qui sont là et nous verrons maintenant les conséquences de cette décision », a-t-il raillé.

Unis sur la clarté

Les députés néo-démocrates ont assuré que le cas de M. Patry est isolé. Ils disent rester unis derrière la position de leur parti face à la loi sur la clarté référendaire.

« J'ai toujours été à l'aise, a indique le député de Sherbrooke, Pierre-Luc Dusseault. Il y a eu des consultations avec le caucus du Québec et ça s'est pris en groupe. Donc tous les députés sont à l'aise avec ce projet de loi. »

« Regardez la croissance fulgurante des membres du NPD au Québec, regardez comme on est premiers dans tous les sondages depuis mai 2011, a indiqué M. Boulerice. Moi je peux vous dire que, comme député de Rosemont-La Petite-Patrie, quand on a présenté notre projet de loi, les gens de ma circonscription l'ont très bien accueilli. »

Un deuxième départ

En janvier 2012, la représentante de Saint-Maurice-Champlain, Lise St-Denis, a elle aussi quitté le caucus néo-démocrate pour se joindre au Parti libéral. « Les électeurs ont voté pour Jack Layton. Jack Layton est mort », a-t-elle expliqué.

Les circonstances étaient alors bien différentes. Jack Layton était mort depuis six mois, le NPD était en pleine course à la direction et les sondages montraient que les appuis au parti étaient en baisse.

Un sondage CROP-La Presse paru la semaine dernière porte à croire que la situation a changé. Le NPD y recueillait 37% des appuis contre 23% pour le Parti libéral, 22% pour le Bloc québécois et 15% pour le Parti conservateur.

-Avec Hugo de Grandpré

QUELQUES CHIFFRES

18,2% - Le score du Bloc québécois dans Jonquière-Alma aux élections de mai 2011.

37% - Les appuis du NPD au Québec selon le dernier sondage CROP-La Presse.

22% - Les appuis du Bloc au Québec selon la même enquête.

Dans ses mots

« Le Bloc québécois se targue de défendre les intérêts du Québec. Défend ci, défend ça. Mais je le compare à une équipe où il n'y a que des gardiens de but, aucun attaquant. Moi je défendrai Jonquière-Alma, le Québec, le Canada aussi, et j'irai sur le terrain. Je me battrai pour mes électeurs ».

-Claude Patry, alors candidat néo-démocrate, le 9 mars 2011