Justin Trudeau a hérité de 1,2 million de son père, il a gagné jusqu'à 462 000$ en 2007 simplement en prononçant des discours. En 2010, sa femme et lui ont obtenu 1,6 million pour leur maison d'Outremont et ils ont payé 777 000$ pour un jumelé de Mont-Royal qu'ils ont hypothéqué à hauteur de 622 000$. Oui, il investit à la Bourse, mais il ne sait pas dans quoi. Vous en voulez plus?

À la demande du quotidien The Ottawa Citizen, Justin Trudeau a ouvert ses livres. Pourquoi? Pour faire preuve de transparence, mais surtout, comprend-on, pour mettre à mal la légende urbaine voulant qu'il soit riche comme Crésus.

Oui, admet-il, il est né avec une cuillère d'argent dans la bouche. Ses études à McGill ont été payées à même les obligations d'épargne du Canada que son père prenait chaque Noël. Il a pu voyager à sa guise. Par contre, raconte-t-il au Ottawa Citizen, sa famille n'était tout de même pas du genre «à partir comme cela pendant un an à Saint-Tropez ou à s'acheter un bateau pour faire le tour du monde».

En fait, son père avait un côté très radin, dit-il. «Il était réputé pour ses maigres pourboires.»

En plus de l'héritage de 1,2 million placé dans une société de fiducie et des discours qui lui ont rapporté plus de 400 000$ les bonnes années, il a aussi une part dans la maison paternelle de l'avenue des Pins, un chalet dans les Laurentides, des redevances annuelles de quelque 10 000$ provenant de l'autobiographie de son père, une belle voiture et quelques autres petites choses sur lesquelles le commun des mortels ne cracherait pas.

Yves Michaud - alias le Robin des banques - a bien connu Pierre Elliott Trudeau et ne saurait être étonné par ce que raconte Justin Trudeau sur la frugalité relative de son père. Vrai, «il n'était pas un homme à être séduit par les sirènes de l'argent».

Ce qui sidère Yves Michaud, c'est d'apprendre, d'une part, que Justin Trudeau a gagné autant d'argent en prononçant des discours. Où donc? demande-t-il.

À plusieurs endroits. À la chambre de commerce de Toronto, par exemple. À la commission scolaire catholique de Niagara, dans des associations de comptables, entre autres, et ce, dès 2007, donc avant qu'il ne soit élu.

Méconnaissance des investissements

D'autre part, le fait que Justin Trudeau dise ignorer la nature de ses investissements étonne beaucoup M. Michaud. «Il ne s'intéresse pas aux marchés financiers et il veut être premier ministre?»

Dans l'article, dont le contenu n'a pas été démenti, Justin Trudeau explique que ses placements sont entre les mains d'un associé chez Jarislowsky Fraser et que lui-même se sait pas quels sont ses investissements. De ne pas le savoir lui permet, à son avis, de se lever en Chambre et de donner librement son opinion sur ceci ou cela - les grands projets de pipeline, par exemple - sans arrière-pensée, sans se dire que, ce faisant, il mousse peut-être son intérêt personnel.

Selon Yves Michaud, ce que fait Justin Trudeau est de «l'angélisme niais». «Qu'est-ce qui suivra?»

S'il était en lice pour devenir premier ministre, Justin Trudeau serait justifié de tout dévoiler. Pour une course à l'investiture, c'est exagéré, croit M. Michaud.

C'est aussi ce que pense Michel Magnan, professeur titulaire à l'École de gestion John-Molson de l'Université Concordia et spécialiste des questions de gouvernance. Puisqu'il ne s'agit que d'une course à l'investiture, M. Trudeau «n'avait peut-être pas à faire cela».

À titre de député, par contre, M. Magnan espère que M. Trudeau et ses collègues ont à révéler leurs intérêts.

Vérification faite sur le site internet du commissaire fédéral aux conflits d'intérêts et à l'éthique, le code régissant les conflits d'intérêts des députés les y oblige. «Lorsqu'il participe à l'étude d'une question dont la Chambre ou un comité dont il est membre est saisi, le député est tenu de divulguer dans les plus brefs délais, verbalement ou par écrit, la nature générale des intérêts personnels qu'il détient dans cette question et qui pourraient être visés», peut-on lire.