Le premier ministre Stephen Harper a pris ses distances des recommandations du Comité consultatif canadien sur les armes à feu (CCCAF), jeudi, dans la foulée d'une controverse qui a fait rage au Parlement à l'occasion du 23e anniversaire du massacre de la Polytechnique et de la Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes.

Des documents rendus publics révèlent qu'au terme d'une rencontre tenue en mars, les 12 membres de ce comité avaient produit une série de recommandations, dont celle d'abolir la catégorie des armes «prohibées» pour les regrouper sous la catégorie d'«autorisation restreinte». Ils ont aussi proposé de prolonger la durée des permis de 5 à 10 ans.

La GRC craint que ces changements à la durée des permis limitent la capacité d'évaluer la santé mentale de leurs détenteurs. De même, selon des groupes qui prônent un plus grand contrôle des armes à feu, l'abolition de la catégorie des armes prohibées augmenterait leur circulation.

Les armes à feu prohibées incluent entre autres les armes automatiques comme les AK-47 ou les UZI et certaines armes à canon scié.

Mercredi, le bureau du ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, avait laissé entendre qu'il étudiait les recommandations du comité. Mais hier, le premier ministre a écarté cette possibilité, du moins en ce qui a trait aux armes prohibées. «La catégorie des armes à feu prohibées existe pour des raisons de sécurité publique essentielles. Notre gouvernement n'a aucune intention de changer cette catégorie», a tranché M. Harper.

Des femmes et des fusils

Le CCCAF est largement dénoncé depuis plusieurs années comme étant formé presque exclusivement de membres du lobby pro-armes à feu.

L'un de ses coprésidents, Steve Torino, est armurier dans la banlieue montréalaise et est président de la Canadian Shooting Sports Association (CSSA), un groupe qui fait pression sur le gouvernement pour assouplir les règles dans ce domaine.

Le site web de l'entreprise de M. Torino (www.astorarms.ca) est rempli d'armes à feu de toutes sortes à vendre, dont des armes prohibées. On y trouve aussi plusieurs photos de femmes en tenue sexy, ou très légèrement vêtues, tirant du fusil.

En octobre, ce même Steve Torino a été invité par le gouvernement Harper pour faire partie de sa délégation à l'ONU, formée exclusivement de fonctionnaires fédéraux, afin d'y siéger comme «conseiller» dans le cadre de discussions sur la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale.

«Préoccupations» et «réexamen»

Le chef libéral Bob Rae a suggéré hier d'inclure au moins un représentant des chefs policiers au CCCAF. «Je prendrai la suggestion du chef du Parti libéral en considération», a promis le premier ministre Harper.

«Il y a des préoccupations quant à certaines des recommandations faites dans ce rapport et je pense que le comité nécessite un réexamen à cet égard», a-t-il ajouté.

Joint au téléphone, M. Torino n'a pas voulu commenter la situation.

Un porte-parole de la Coalition pour le contrôle des armes à feu, Jean-François Larrivée, s'est quant à lui dit heureux de cette volte-face du premier ministre.

Mais la Coalition demeure néanmoins très critique de l'abolition du registre des armes à feu, il y a quelques mois. Elle réclame en outre que l'une des armes qui ont servi lors du massacre de la Polytechnique et celui de la Norvège, l'an dernier, soit changée de catégorie. «C'est considéré comme une arme non restreinte, a-t-il dénoncé. Donc un individu pourrait se présenter chez un marchand d'armes et acheter une quantité illimitée de Mini Ruger 14, sans les enregistrer et sans même avoir à montrer son permis de possession d'armes. C'est ce que le Canada est devenu depuis avril.»