Le ministre des Finances, Jim Flaherty, garde le cap sur l'équilibre budgétaire à moyen terme, soit d'ici 2015-2016, mais à condition que les États-Unis et l'Union européenne ne s'enfoncent pas dans une crise économique en 2013 qui pourrait faire dérailler ses projections financières.

Profitant de la semaine de relâche parlementaire, M. Flaherty fera aujourd'hui une mise à jour des projections économiques et financières pour les cinq prochains exercices financiers devant les membres de la chambre de commerce de Fredericton, au Nouveau-Brunswick.

Selon des informations obtenues lundi par La Presse, le ministre réitérera son intention d'éliminer d'ici trois ans le déficit, qui devrait s'élever à 21,1 milliards de dollars en 2012-2013. Mais il prendra grand soin de souligner que le Canada demeure tributaire de la bonne santé de l'économie américaine et, dans une moindre mesure, de la situation qui prévaut dans les pays membres de l'Union européenne.

«Nous contrôlons ce que nous pouvons contrôler, c'est-à-dire nos dépenses. Nous tentons de réaliser des économies et nous adoptons des mesures pour favoriser la création d'emplois en prolongeant par exemple le crédit d'impôt pour l'embauche aux petites entreprises. Mais il y a des choses qui échappent à notre contrôle, comme la situation de l'économie mondiale», a indiqué une source conservatrice sous le couvert de l'anonymat.

«Les États-Unis et l'Europe font face à des défis importants. Cela a un effet sur le prix des matières premières et, par ricochet, cela réduit les revenus du gouvernement. Cela dit, nous maintenons le cap vers l'équilibre budgétaire à moyen terme», a ajouté cette source, qui résumait ainsi les récents propos de M. Flaherty.

Coussin financier

Le ministre Flaherty a pris l'habitude d'inclure dans ses projections un certain coussin financier pour parer aux éventualités, ce qui lui donne une marge de manoeuvre pour respecter ses cibles budgétaires. Mais en 2011-2012, il a raté sa cible de 1,3 milliard de dollars malgré l'ajout de ce coussin financier.

Dans les rangs conservateurs, on commence à montrer des signes d'impatience dans le dossier de la lutte contre le déficit. De plus en plus de voix s'élèvent pour dire que le gouvernement Harper doit accélérer le pas afin de rétablir l'équilibre budgétaire avant les prochaines élections, prévues en 2015, à défaut de quoi les conservateurs risquent de prêter le flanc à la critique.

Un objectif atteignable à court terme

Stéfane Marion, économiste et stratège en chef de la Banque Nationale, estime que l'élimination du déficit demeure un objectif atteignable à court terme. «Je pense que le plan budgétaire est encore valide. Mais il va devoir encore utiliser la réserve pour éventualité pour atteindre son objectif. Je m'attends aussi à ce qu'il fasse preuve de pragmatisme, car si nos partenaires commerciaux ne prennent pas les bonnes décisions, il faudra peut-être remettre à plus tard l'élimination du déficit», a indiqué M. Marion.

Il a ajouté que les consommateurs ne peuvent alimenter indéfiniment la croissance de l'économie canadienne et que la situation budgétaire aux États-Unis demeure incertaine pour les prochains mois, ce qui pourrait avoir un effet sur nos exportations.

Il a souligné qu'un rapport de l'Agence internationale de l'énergie publié hier prédit que les États-Unis deviendraient, d'ici 2020, le plus important producteur de pétrole du monde, dépassant même l'Arabie saoudite et la Russie. Selon lui, ce rapport doit faire réfléchir les autorités canadiennes, car cela aura un impact sur la vente de pétrole albertain sur le marché américain.

«Il est capital de se donner une politique claire en matière d'investissements étrangers et en matière d'énergie», a dit M. Marion, en faisant allusion à l'offre d'achat de Nexen par la société d'État chinoise CNOOC, qui n'a toujours pas été approuvée par le gouvernement Harper. Selon lui, ces politiques risquent d'avoir un impact important à long terme sur les revenus du gouvernement fédéral.

«En ce moment, nous sommes prisonniers de l'Amérique du Nord et nous avons besoin de nouveaux débouchés pour nos ressources énergétiques», a-t-il précisé.

«Manque de transparence»

Pour sa part, le député néo-démocrate Guy Caron a dénoncé la pratique du ministre Flaherty de faire sa mise à jour ailleurs qu'au parlement.

«C'est un manque de transparence et d'imputabilité de sa part. Cette mise à jour devrait être faite au parlement pour que le gouvernement puisse rendre des comptes», a dit M. Caron.