L'intrusion de pirates informatiques dans les systèmes du gouvernement en janvier 2011 a créé une véritable commotion qui a paralysé l'appareil fédéral, coûté des millions de dollars aux contribuables et révélé que des renseignements confidentiels s'étaient vulnérables, conclut le vérificateur général du Canada, Michael Ferguson.

> En savoir plus: le rapport du vérificateur général (PDF)

Le vérificateur a rendu public aujourd'hui son rapport automnal. Il y tape sur les doigts de certains membres de l'appareil fédéral, notamment pour des lacunes dans la gestion des finances publiques.

Le gouvernement doit mieux planifier son recours aux travailleurs contractuels de manière à mieux gérer les fonds publics, conclut par exemple M. Ferguson. Ces travailleurs ont coûté 8,1 milliards de dollars à Ottawa dans la seule année 2010-2011.

Le vérificateur général a aussi noté que le financement de 350 millions de dollars accordé au programme CSeries de Bombardier depuis 2008 n'avait pas fait l'objet d'une reddition de comptes et d'une évaluation suffisantes de la part de Bombardier et d'Industrie Canada.

« Cela signifie qu'aucune évaluation officielle du programme n'est prévue avant que tout le financement ait été versé, peut-on lire au chapitre 6 du rapport. Par conséquent, le Ministère manque peut-être une occasion d'apporter des améliorations opportunes au programme. »

Ottawa vulnérable aux cyberattaques

Michael Ferguson a enfin relevé qu'Ottawa tarde à protéger les infrastructures essentielles contre les cybermenaces. Le gouvernement Harper a annoncé la semaine dernière un investissement de 150 millions de dollars dans ce domaine. Bonne nouvelle, car si Ottawa s'est amélioré depuis 2010, il y a encore du travail à faire, croit M. Ferguson.

« L'intrusion dont les systèmes du gouvernement ont été la cible en janvier 2011 a révélé des faiblesses dans la protection de ces systèmes. Les incidents n'ont pas été signalés en temps et lieu, et l'information sur les cybermenaces n'a pas été communiquée comme il se doit aux organismes concernés. »

Le gouvernement a réagi au rapport en acceptant ses recommandations. Le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, a annoncé que le Centre canadien de réponse aux incidents cybernétiques (CCRIC) serait dorénavant ouvert sept jours sur sept et 15 heures par jour.

M. Ferguson s'était montré préoccupé du fait que cet organisme créé en 2005 pour servir de centre névralgique du gouvernement pour faire face aux cybermenaces n'était ouvert que cinq jours par semaine, de 8h à 16h, alors qu'il devait au départ l'être 24h sur 24. Il s'est aussi dit inquiet du fait que le CCRIC n'avait été informé des attaques chinoises de janvier 2011 qu'une semaine après le fait.

Une transition difficile pour les militaires

Sur un autre sujet, le vérificateur a constaté que les anciens combattants sont souvent laissés à eux-mêmes dans leur transition à la vie civile en raison d'une bureaucratie lourde, complexe et opaque.

En raison de la mission en Afghanistan, entre autres, les Forces canadiennes ont libéré plus de 8000 membres pour des raisons de santé de 2006 à 2011. Les mesures de soutien destinées à ces anciens combattants avaient coûté un demi-milliard en 2010-2011.

Or, « il reste difficile d'obtenir les services et avantages voulus en temps et lieu », a constaté M. Ferguson. Il attribue cette difficulté, notamment, à des critères d'admissibilité complexes, au manque d'information et à la lourdeur de la paperasserie.

Ces observations touchent les problèmes de santé mentale, la réadaptation physique et psychosociale, a réadaptation professionnelle et les indemnités d'invalidité.

« Le ministre Blaney accepte toutes les recommandations du rapport du vérificateur général concernant son ministère, a fait savoir le bureau du ministre Steven Blaney, responsable du dossier des Anciens combattants. C'est pourquoi il a l'intention de dévoiler un solide plan d'action de transition pour les vétérans qui répondra directement aux recommandations contenues dans son rapport. »

Des contractuels qui coûtent cher

Le vérificateur a examiné la gestion des employés contractuels dans trois ministères: Ressources humaines, Santé et Travaux publics. À eux seuls, ils embauchent le quart de ces fournisseurs de services professionnels.

Le ministère des Travaux publics a obtenu une note relativement bonne malgré le fait qu'une étude interne sur laquelle le vérificateur général a mis la main conclut que près de 500 contractuels travaillent dans ses locaux, «dont certains depuis plus de six ans».

Les ministères des Ressources humaines et de la Santé, quant à eux, n'ont pas une bonne vision d'ensemble de leurs besoins en matière de services professionnels, estime par contre Michael Ferguson.

« La planification du recrutement de contractuels (...) ne suffisait pas à déterminer les solutions optimales pour combler les lacunes en matière de dotation, peut-on lire. Les deux ministères procédaient à une évaluation limitée des avantages, des coûts et des risques. »

Lacunes dans la gestion des finances publiques

Le VG a soulevé certaines lacunes dans la gestion des finances publiques dans trois autres secteurs : les projets aéronautiques, les biens immobiliers du ministère de la Défense et les projections financières du gouvernement.

« Dans le budget de2007, le gouvernement fédéral s'était engagé à publier un rapport exhaustif sur la viabilité des finances publiques et l'équité intergénérationnelle », a rappelé Michael Ferguson. Ce rapport devait faire l'analyse des changements démographiques et de leurs répercussions sur les finances publiques.

Or, un seul rapport préliminaire a été publié la même année, puis plus rien. « Sans ces analyses, les parlementaires et les Canadiens sont privés de l'information dont ils ont besoin pour comprendre l'incidence à long terme des budgets sur les finances fédérales, provinciales et territoriales. »

La gestion du parc immobilier de 22 milliards de dollars du ministère de la Défense a aussi été scrutée par M. Ferguson. Ses conclusions : « Les pratiques d'achat, d'entretien et de réparation des immobilisations de la Défense nationale laissent à désirer » et des documents importants pour la saine gestion et planification de l'ensemble des 20 000 bâtiments et 13 000 ouvrages de la Défense n'ont pas été finalisés.

« Tant que la stratégie, le cadre et un plan directeur national d'aménagement immobilier ne sont pas achevés, le Ministère ne peut savoir s'il a les biens immobiliers qu'il faut au bon endroit et au bon moment pour satisfaire aux exigences opérationnelles des Forces canadiennes », a précisé M. Ferguson.

Enfin, deux ententes de contributions remboursables accordées à Bombardier pour son programme CSeries sont destinées à appuyer les projets de recherche dans le secteur privé. Enmars, Ottawa avait déjà versé 203 des 350 millions de dollars prévus. Or, « le Ministère (NDLR: de l'Industrie) n'a pas obtenu tous les documents exigés par les ententes de contribution pour déterminer les progrès réalisés pour atteindre les objectifs du programme », a relevé le vérificateur.

« Par conséquent, il a une image plus limitée du rendement du programme. »

Dans le même chapitre, M. Ferguson a tiré des conclusions semblables quant à un autre programme important, celui de l'Initiative stratégique pour l'aérospatiale et la défense.

« Rapport accablant »

Les partis de l'opposition se sont insurgés devant les conclusions de ce rapport.

« Dans de nombreux dossiers, comme la planification et l'évaluation de contrats de services professionnels, l'entretien des infrastructures de la Défense et la publication d'analyses budgétaires à long terme, il n'obtient pas la note de passage », a déclaré le chef du Bloc québécois Daniel Paillé.

« À plusieurs égards, a lancé la députée du NPD Lysanne Blanchette-Lamothe, le rapport du vérificateur général qu'on a devant nous aujourd'hui nous montre plusieurs preuves d'une mauvaise gestion et d'un manque de transparence des conservateurs. » Son collègue Jack Harris a qualifié le rapport d'« accablant »

Le Parti libéral a quant à lui accusé le gouvernement de laisser tomber les anciens combattants et de compromettre la sécurité des Canadiens. « Si Couche-Tard et 7-Eleven peuvent rester ouverts toute la nuit, pourquoi le Centre canadien de réponse aux incidents ne le peut-il pas? » a ironisé le député montréalais Francis Scarpaleggiadans un communiqué.