L'Église catholique se lance de nouveau dans le débat juridique sur l'avortement en appuyant la motion M-312, présentée à la Chambre des communes par le député conservateur Stephen Woodworth. Le ministre de l'Immigration, Jason Kenney, qui a confirmé lundi qu'il voterait pour la motion, participe d'ailleurs cette semaine à l'assemblée annuelle de la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC), à Sainte-Adèle.

Mgr Paul-André Durocher, archevêque de Gatineau et vice-président de la CECC, affirme que l'appui à cette motion n'est pas un appel à une loi interdisant l'avortement, mais plutôt «une simple question de principe, une invitation à réfléchir sur le sens de la vie».

Réflexion sur la famille

«Je constate une évolution», observe quant à lui Georges Buscemi, président de Campagne Québec-vie, division québécoise d'une organisation pro-vie pancanadienne. «La campagne de la CECC, qui va s'échelonner sur plusieurs années, est une initiative pour la vie et la famille. Après 40 ans de crise de la foi, on a vu que, pour reconstruire l'Église, il faut reconstruire la famille. La famille, c'est comme la Trinité. La destruction de la famille, c'est comme la destruction de Dieu.»

L'organisation Campagne Québec-vie qualifie d'ailleurs le député néo-démocrate Raymond Côté (Beauport-Limoilou) de «disciple du Christ à l'école de Judas» parce qu'il a affirmé, dans Le Devoir qu'il voterait contre la motion M-312 justement parce qu'il est catholique.

M. Buscemi croit également que les appels d'évêques à refuser la communion à certains politiciens, pour le moment rares au Canada, vont se multiplier. «Pour Raymond Côté, on se demande ce que va faire son évêque. On voulait signaler son cas.»

En 2008, l'archevêque d'Ottawa, Terence Prendergast, a par exemple affirmé qu'il refuserait la communion à un politicien qui soutiendrait «obstinément» l'accès à l'avortement.

«On n'a jamais parlé de ça ici», assure toutefois Mgr Durocher lorsqu'on lui demande de commenter les appels à refuser la communion à certains politiciens.

Bernard Keating, bioéthicien et théologien à l'Université Laval, rappelle que, dans les années 80, l'Église a appuyé une loi «imparfaite» encadrant l'avortement. «Mais il y a eu le jugement de la Cour suprême et il n'y a pas eu de vote sur la loi. Maintenant, il serait difficile d'appuyer une loi imparfaite, qui autoriserait l'avortement dans certains cas. Plusieurs, comme moi, n'aiment pas la situation actuelle mais préfèrent ne pas se lancer dans un débat social qui va nécessairement éloigner plusieurs catholiques de l'Église.»

Philippe Vaillancourt, dont le site Crayon et goupillon suit l'actualité religieuse québécoise, avance que la CECC a peut-être donné son appui à la motion M-312 pour amadouer le ministre Kenney, qui a publiquement dénoncé l'opposition de la CECC à ses compressions dans les services médicaux aux réfugiés.

Alexis Pavlich, attachée de presse de Jason Kenney, a indiqué que le ministre participe à l'assemblée annuelle de la CECC pour discuter «des récents changements au système canadien d'immigration et de réfugiés et d'autres sujets qui intéressent les évêques».