Le gouvernement Harper a demandé à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) d'enquêter sur une affaire politiquement embarrassante concernant la décision d'attribuer le contrat des avions de chasse sans appel d'offres au fabricant du F-35, affirmant qu'il s'agissait d'une violation de la sécurité nationale, a appris La Presse Canadienne.

Les policiers de la GRC ont mené un examen de cinq mois sur une fuite présumée de documents du cabinet en vertu de la Loi sur la protection de l'information. Cette loi a été récemment utilisée pour accuser un agent de renseignement de la marine dans une affaire d'espionnage présumé.

Des informations obtenues en vertu de la Loi sur l'accès à l'information révèlent que les enquêteurs doutaient presque dès le début de l'affaire, en juillet 2010, qu'une quelconque loi avait été violée par l'article paru dans le Globe and Mail.

Le texte du journaliste Daniel Leblanc est paru un mois avant que le gouvernement Harper n'annonce officiellement qu'il avait choisi le F-35 fabriqué par Lockheed Martin.

La GRC s'est tout de même penchée sur la question, y faisant travailler l'une de ses quatre Équipes intégrées de la sécurité nationale.

La plainte, révèle la demande d'accès à l'information, a été déposée par Wayne Wouters, commis du Conseil privé, le plus haut fonctionnaire du pays et conseiller du premier ministre Stephen Harper, et ce peu de temps après la parution de l'article, le 11 juin 2010.

Le premier agent de la GRC à examiner l'allégation, le 8 juillet, s'est interrogé sur la pertinence de la requête. Selon une note produite par la suite, il n'est pas possible de déterminer en quoi l'information interfère avec le développement d'armes ou met en jeu la sécurité du Canada.

Les informations démontrent également que des doutes sur le bien-fondé de la plainte ont subsisté jusqu'à la clôture de l'enquête. Les enquêteurs ont d'ailleurs recommandé la fin des procédures le 2 septembre 2010, bien que des policiers haut gradés aient exigé que la Défense nationale s'intéresse également à la fuite.

L'enquête de la GRC a finalement pris fin en novembre 2010, mais le service de police fédéral a été «forcé» de rouvrir le dossier et d'«enquêter davantage» parce que personne n'avait parlé à M. Wouters.

Selon Wesley Mark, un expert en sécurité et en renseignements de l'Université d'Ottawa, il y a de quoi s'inquiéter des révélations contenues dans les informations obtenues par La Presse Canadienne. Il affirme que l'enquête n'est pas seulement un gaspillage des ressources de la GRC, mais aussi de la loi sur la sécurité.