«La campagne a été longue, mais nous pouvons maintenant tourner la page sur l'incertitude et les élections à répétition, et, enfin, nous concentrer sur le long terme», a déclaré Stephen Harper le soir des élections du 2 mai 2011.

Reporté au pouvoir pour son troisième mandat de suite, mais à la tête d'un gouvernement majoritaire cette fois, Stephen Harper gouverne le pays depuis un an sans avoir à faire de compromis pour plaire aux partis de l'opposition et assurer la survie de son gouvernement à la Chambre des communes.

Fort de sa majorité, le gouvernement Harper n'a pas perdu de temps pour mettre en oeuvre certaines des mesures promises à sa base politique, même si elles soulèvent la controverse dans certaines provinces, notamment au Québec.

Ainsi, la Loi sur la sécurité des rues et des communautés, qui regroupe neuf projets de loi et modifie le Code criminel afin d'imposer des peines plus sévères envers les criminels récidivistes et les jeunes contrevenants et de resserrer les conditions de libération conditionnelle, a été adoptée en moins de 100 jours de séance.

Le gouvernement Harper a pu aussi faire adopter le projet de loi destiné à abolir le registre des armes d'épaule, malgré les vives protestations du Québec et des corps policiers, comme il s'était engagé à le faire durant la campagne électorale.

Il a donné suite à son engagement de mettre fin au monopole de la Commission canadienne du blé, une promesse datant de 2005 et une mesure que réclamaient certains producteurs et agriculteurs des provinces de l'Ouest.

Il ne s'est pas gêné pour accorder une plus grande place aux symboles liés à la monarchie britannique au pays et à l'étranger et pour souligner les exploits militaires récents (la mission des Forces armées canadiennes en Libye) et passés (le 200e anniversaire de la guerre de 1812).

Enfin, il s'est attelé à la tâche d'éliminer le déficit d'ici à 2015 en déposant un budget qui contient des compressions de 5,2 milliards de dollars dans les dépenses de fonctionnement de l'État, la suppression de 19 200 postes au sein de la fonction publique et des investissements stratégiques pour soutenir la croissance de l'économie.

Quelques bourdes ont été commises au passage, en particulier la nomination d'un anglophone unilingue, Michael Ferguson, au poste de vérificateur général. Les conservateurs se sont retrouvés dans l'embarras en sous-estimant de 10 milliards de dollars les coûts d'acquisition et d'entretien des 65 avions F-35, qui doivent remplacer la flotte vieillissante des CF-18 d'ici à 2023.

Majorité sans le Québec

Stephen Harper a obtenu sa majorité il y a 12 mois sans le Québec, où le Parti conservateur ne détient que 5 sièges, et en faisant des gains importants en Ontario.

Le Québec, qui était auparavant un passage obligé de toute formation politique désirant former un gouvernement majoritaire, a visiblement perdu de son influence dans les coulisses du pouvoir.

Les troupes de Stephen Harper avaient bien tenté entre 2006 et 2008 de recréer l'alliance entre les conservateurs de l'Ouest et les nationalistes du Québec qui avait permis à Brian Mulroney de remporter deux majorités de suite, en 1984 et en 1993.

Durant son premier mandat à tête d'un gouvernement minoritaire, Stephen Harper avait fait de la question du Québec une véritable obsession. Il avait ainsi accordé une place au Québec au sein de la délégation canadienne à l'UNESCO, reconnu le Québec comme une nation au sein d'un «Canada uni» et réglé le déséquilibre fiscal entre Ottawa et les provinces, un dossier qui empoisonnait les relations fédérales-provinciales depuis plusieurs années. Il avait aussi multiplié les visites au Québec dans l'espoir de récolter de nouveaux appuis et d'autres sièges.

Mais les résultats décevants des élections d'octobre 2008 au Québec -10 sièges seulement, soit la même récolte qu'au scrutin de 2006 -, grandement influencés par des coupes maladroites dans des subventions aux arts et à la culture, ont convaincu les stratèges conservateurs de concentrer leurs efforts ailleurs pour obtenir leur majorité: ils se sont tournés vers l'Ontario. Les résultats ont été probants.

Une nouvelle alliance est ainsi née entre la province la plus populeuse du pays et celles de l'Ouest, favorisées par une croissance économique et démographique spectaculaire, pour prendre les commandes du pouvoir à Ottawa.

S'ils se réjouissent d'avoir enfin obtenu leur majorité, les conservateurs reconnaissent en privé que celle-ci demeure imparfaite sans une plus grande représentation du Québec. Et ils se défendent avec énergie d'avoir fait une croix sur la Belle Province. «Nous avons quelques atouts entre les mains. La gestion de l'économie et des finances est notre force et cela plaît aux Québécois», affirme-t-on.

Ils croient aussi que le Parti conservateur pourra tirer son épingle du jeu durant la prochaine campagne électorale en forçant un débat entre les orientations de la gauche préconisées par le Nouveau Parti démocratique de Thomas Mulcair et celles de la droite de leur formation.

Certes, l'image de Stephen Harper au Québec est loin d'être au beau fixe. Mais les stratèges conservateurs planchent sur une offensive pour redorer le blason du premier ministre et de son gouvernement au cours des prochains mois.

«Nous allons travailler sur nos défauts. Nous avons du temps devant nous. Les élections n'auront pas lieu avant octobre 2015. Cela nous donne trois ans. Jean Charest a bien démontré par le passé qu'il est possible de refaire son image en politique. S'il a réussi à le faire en 2008, on peut aussi le faire avec Stephen Harper», a-t-on soutenu.