Le gouvernement Harper a exercé des pressions sur la Commission de la fonction publique internationale (CFPI) des Nations unies en octobre dernier pour qu'elle renonce à accorder une hausse salariale de 3% aux employés de l'organisation travaillant à New York.

Plusieurs pays membres de l'ONU doivent adopter des mesures d'austérité pour enrayer leur déficit et réduire considérablement la taille de leur fonction publique. Le fait d'accorder une hausse salariale de 3% à des employés de l'ONU à New York bénéficiant d'une rémunération déjà enviable serait mal venu, a affirmé l'ambassadeur du Canada aux Nations unies, Guillermo Rishchynski, dans une lettre envoyée aux membres de la CFPI en août dernier.

«Le Canada est préoccupé par cette décision pour deux raisons. D'abord, cela contribue à hausser les coûts de fonctionnement de l'ONU à New York et dans l'ensemble de ses activités pour les États membres au moment même où ils sont confrontés à des défis économiques difficiles. Ensuite, cela a pour effet d'augmenter la rémunération d'un groupe d'employés qui sont déjà bien payés alors que des employés de la fonction publique de plusieurs pays doivent faire des sacrifices pour réduire les dépenses», écrit l'ambassadeur dans cette lettre obtenue par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Pendant que le gouvernement Harper prêchait l'austérité à New York, la ministre canadienne responsable de la Coopération internationale, Bev Oda, rechignait à l'idée de séjourner dans un hôtel cinq étoiles à Londres, en Grande-Bretagne, le Grange St. Paul's Hotel, quelques semaines auparavant.

Mme Oda, qui participait à une conférence organisée par l'Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination dans les pays pauvres, a demandé qu'on annule sa réservation à l'hôtel en question, où se déroulait pourtant la conférence, et a insisté pour être hébergée dans un hôtel plus somptueux, le Savoy, qui appartient au prince Alwaleed d'Arabie saoudite.

Mme Oda a ainsi facturé aux contribuables 1995$ pour son séjour, ou 665$ la nuit, soit deux fois le prix d'une nuit au Grange St. Paul's Hotel, selon la Presse Canadienne. Mais comme l'annulation de la réservation a été faite trop tard, les contribuables ont quand même dû payer une première nuit à cet hôtel, soit 287$.

Mme Oda s'est aussi désaltérée durant son séjour en commandant un jus d'orange au Savoy, au coût de 16$. Dans le dernier budget du gouvernement Harper, l'ACDI s'est vu imposer des compressions de 380 millions échelonnées sur trois ans.

Dans l'embarras à la suite de la publication de ces informations, la ministre Oda a été contrainte de rembourser la différence des coûts entre les deux hôtels ainsi que le jus d'orange.

Le NPD a vertement critiqué la culture du «tout m'est dû» qui s'installe dans les rangs du gouvernement Harper.

«Est-ce qu'une nuit au Savoy peut être justifiée? Je suppose, si vous êtes une vedette rock. Mais comme ministre responsable de dialoguer avec les plus pauvres du monde, ceux qui sont le plus dans le besoin, et venant d'un gouvernement qui demande aux Canadiens de se serrer la ceinture, cela empeste l'hypocrisie», a affirmé le leader parlementaire du NPD, Nathan Cullen.

Ce n'est pas la première fois que Mme Oda se retrouve sur la sellette pour des dépenses extraordinaires. En 2006, Mme Oda avait réquisitionné les services d'une limousine pour se rendre à la cérémonie des Junos à Halifax. La facture avait été salée: 5475$. Après que l'affaire eut été éventée, elle avait remboursé 2200$ au Trésor fédéral.

-Avec William Leclerc

Lors du plus récent incident à Londres, Mme Oda a été transportée en voiture entre son hôtel, celui où avait lieu la conférence internationale et d'autres rendez-vous à un coût de près de 1000 $ par jour. Son cabinet n'a pas indiqué si ces frais seront aussi remboursés.

La note d'hôtel pour le Savoy s'est élevée à 1995 $ pour trois nuits, soit 665 $ la nuitée. Le gouvernement a aussi dû payer pour la nuitée annulée au premier hôtel, ajoutant 287 $ à ses dépenses de voyage.

Au même moment, l'Agence canadienne de développement international (ACDI) planifiait ses coupes budgétaires qui se sont élevées à 380 millions $.

«À notre arrivée sur place, la ministre a préféré ne pas demeurer au Grange St.Paul's Hotel, et nous avons dû payer», précise une note accompagnant le compte de dépenses.

La Presse Canadienne a obtenu ces documents en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Un membre du personnel politique qui voyageait avec Mme Oda a séjourné au Grange St.Paul, qui offre une vue sur la cathédrale St.Paul, une grande verrière, quatre restaurants et cinq bars.

Les services d'un chauffeur et de la voiture ont coûté 2850 $ pour les trois jours. La première journée, le gouvernement canadien a réservé la voiture pendant une période de 15 heures. Le Savoy est situé à deux kilomètres du Grange.

John Alan, du service de location d'autos, dit ne pas se souvenir de quel genre de véhicule a disposé Mme Oda, mais il a précisé que toutes ses voitures sont de marques Mercedes ou BMW.

Mme Oda était à Londres pour représenter le Canada à une conférence des donateurs de l'Alliance GAVI, une organisation mondiale de santé publique qui travaille à la vaccination des enfants dans les pays pauvres. Le Canada a donné 253 millions $ à GAVI depuis 2001.

Le leader du Nouveau Parti démocratique en Chambre, Nathan Cullen, a déclaré que les choix de Mme Oda sont «stupéfiants».

«Est-ce qu'on peut justifier une seule nuit au Savoy? J'imagine que oui, si on est une grande vedette de rock, mais pour une ministre qui doit rencontrer les plus pauvres et les plus démunis du monde, et qui en plus représente un gouvernement qui demande aux Canadiens de se serrer la ceinture, c'est d'une hypocrisie nauséabonde», a-t-il lancé.

La Coalition nationale des citoyens, un organisme déjà dirigé par Stephen Harper, a réclamé la démission de Mme Oda.

Mme Oda a déjà été critiquée par le passé pour ses goûts de luxe. En 2006, elle avait utilisé des limousines pour sa participation à la cérémonie des Junos à Halifax: cela avait coûté 5475 $. En réponse à des critiques formulées à la Chambre des communes, elle a ensuite soutenu qu'elle avait remboursé 2200 $ aux contribuables.

Un an plus tard, un autre transport en limousine pour des activités gouvernementales et partisanes avait coûté 1200 $, une dépense qui n'apparaissait pas dans les comptes publics du gouvernement.

Photo: Reuters

Bev Oda