Le report de l'âge de la retraite de 65 à 67 ans aura un impact certain sur les finances publiques québécoises, mais personne ne veut le chiffrer pour l'instant. La décision d'Ottawa s'inscrit toutefois dans un courant international.

L'impact budgétaire «sera important», admet d'emblée Nicolas Murgia, porte-parole de la ministre de la Sécurité publique, Julie Boulet. Avant qu'Ottawa ne précise qu'elle comptait dédommager les provinces et que sa mesure ne s'appliquerait qu'en 2023, Québec avait commencé à examiner des scénarios. Bien des gens de 65 à 67 ans auraient émargé aux budgets de l'aide sociale, et la mesure aurait coûté «plusieurs dizaines de millions» à Québec. Aux Finances, on veut attendre la négociation prévisible dans la prochaine revue triennale du Régime de pension du Canada.

Dans une étude de l'Institut de la statistique, le démographe Frédéric Payeur a évalué qu'en 2025, le fait d'allonger la vie active de 2 ans ajoutait 200 000 à la population active. Celle-ci passerait donc de 4,1 millions si aucun changement n'était apporté à 4,3 millions.

Vendredi, M. Payeur a suggéré beaucoup de prudence devant ce constat de 2010. D'abord, il n'est pas certain que les gens attendront 67 ans pour prendre leur retraite - la pension de vieillesse ne représente que 15% des revenus des gens qui ont des régimes complémentaires de retraite. De plus, on ne peut savoir quelle part de cette cohorte se retrouverait à l'aide sociale. À la Régie des rentes, on ne prévoit aucune modification du régime à la suite de la décision d'Ottawa, insiste le porte-parole Pierre Turgeon.

L'ancien mandarin Yvon Boudreau, secrétaire d'une commission d'enquête sur les travailleurs âgés qui a remis son rapport l'automne dernier, n'est pas surpris de la décision d'Ottawa. «Ce débat a cours dans bien des pays, et à peu près partout, on a décidé de repousser l'âge de la retraite au-delà de 65 ans. La plupart y vont sur une longue période. On est dans le courant occidental.» Dans des pays scandinaves, pour éviter un débat toujours passionné, on a arrimé l'âge de la retraite à l'espérance de vie - plus on vit longtemps, plus on reporte la retraite.

Toutefois, relève-t-il, la situation canadienne diffère parce que la pension de retraite fédérale et le supplément de revenu sont essentiellement des programmes sociaux, destinés aux plus vulnérables. Dans les autres pays, on s'est attaqué à l'ensemble des régimes de retraite. En France, par exemple, tous les anciens salariés ont une rente de retraite qui couvre environ 50% du salaire, deux fois plus que la Régie des rentes au Québec. «Quand la France décide de reporter ça de 60 à 62 ans, cela a un impact bien plus significatif qu'ici», observe Yvon Boudreau.