À l'instar d'autres pays, le Canada s'inquiète des dépassements de coûts liés à la conception et à la construction des avions furtifs F-35. Mais contrairement à ses partenaires, le gouvernement Harper se garde d'exprimer ouvertement ses inquiétudes.

Tandis qu'il soutient depuis des mois que le projet suit normalement son cours, le ministre associé à la Défense, Julian Fantino, s'est rendu en novembre dernier à l'usine de Lockheed Martin, à Fort Worth, au Texas, afin de rencontrer les dirigeants de la société américaine responsable de mener à bien ce projet.

L'objectif de cette visite: exprimer de vive voix les craintes du Canada au sujet des coûts de construction de ces appareils qui doivent remplacer la flotte de CF-18 d'ici 2020. Le Canada compte acheter 65 de ces avions pour la somme de 9 milliards de dollars.

Faire preuve de transparence

«Le but de cette visite est de démontrer l'engagement de notre gouvernement envers le programme de JSF (Joint Strike Fighter) tout en communiquant à nos interlocuteurs les inquiétudes du Canada au sujet des coûts, des calendriers de production et la nécessité de faire preuve de transparence avec les nations qui participent au programme JSF», peut-on lire dans une note d'information rédigée par le ministère de la Défense et datée du 30 septembre 2011. La Presse a obtenu cette note destinée au ministre de la Défense, Peter MacKay, et son collègue Julian Fantino en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Malgré les critiques du Nouveau Parti démocratique et du Parti libéral au sujet du coût de ces appareils, surtout au moment où l'on doit sabrer les dépenses de l'État, le gouvernement Harper a toujours défendu la viabilité de ce projet, et ce, même si certains pays remettent en question leur carnet de commandes depuis quelques mois.

Mais les documents que La Presse a obtenus démontrent qu'en privé, le ministère de la Défense entretient des craintes quant au dépassement de coûts.

Augmentation des coûts

Jusqu'ici, le coût des F-35 a augmenté de 26%, tandis que l'échéancier de production a été retardé de cinq ans à cause de changements dans le design, de problèmes dans la mise au point des logiciels et de problèmes techniques. Au Canada, le gouvernement Harper soutient qu'il paiera en moyenne 75 millions de dollars par avion. On prévoit ensuite dépenser 7 milliards de dollars pour l'entretien des appareils pendant deux décennies. Mais plusieurs estiment que le coût unitaire sera nettement plus élevé - de 110 à 135 millions.

En tout, neuf pays (les États-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne, le Danemark, la Norvège, l'Italie, l'Australie, la Turquie et les Pays-Bas) participent à la mise au point de cette nouvelle génération d'appareils. Le Canada a investi jusqu'ici 200 millions dans ce programme.

Devant la hausse des coûts, le Canada a convoqué une réunion de deux jours avec ses partenaires à son ambassade à Washington. La réunion prend fin aujourd'hui.

Le ministre Fantino s'est rendu à l'usine de Lockeed Martin le 7 novembre en compagnie du chef d'état-major Daniel Mader et il a prononcé un discours devant la chambre de commerce de Fort Worth.

«Les CF-18 arrivent à la fin de leur vie utile. Un contrat n'a pas encore été signé pour remplacer des avions. Nous avons un budget pour leur remplacement et nous avons assuré que nous allons respecter ce budget. Nous allons nous assurer que les forces aériennes ont les appareils nécessaires pour faire le travail que nous exigeons d'elles», a indiqué M. McCluskey dans un courriel.

Sous le couvert de l'anonymat, une source au ministère de la Défense a tenu à souligner que les responsables canadiens du projet «surveillent de près les décisions [des] alliés qui sont prises dans un contexte économique mondial difficile».

Les partis de l'opposition ont vertement critiqué le manque de transparence du gouvernement Harper dans ce dossier, d'autant plus qu'ils ne cessent d'interroger le ministre Fantino aux Communes sur les dépassements de coût de ce projet sans obtenir de réponses claires.

- Avec William Leclerc