L'ancien chef du Bloc québécois Gilles Duceppe explique aujourd'hui à un comité de la Chambre des communes pourquoi il a utilisé le budget de fonctionnement de son bureau à Ottawa pour payer le salaire du directeur général de son parti de 2004 à 2011.

M. Duceppe, qui est arrivé en milieu de matinée sur la colline parlementaire, était accompagné de son avocat, François Gendron. Ce dernier a rédigé il y a deux semaines un avis juridique soutenant que l'ancien chef bloquiste avait suivi les règles en agissant de la sorte. Sa femme Yolande Brunelle et le nouveau chef bloquiste Daniel Paillé accompagnaient aussi M. Duceppe à son arrivée.

Le témoignage de M. Duceppe devant les membres du Bureau de régie interne se déroule à huis clos, comme c'est toujours la pratique lorsque ce comité se réunit. Interrogé à savoir comment il se sentait de revenir ainsi aux Communes, il a répondu «je reviens en pleine forme», avant de se diriger au bureau de la greffière de la Chambre.

M. Duceppe a été avare de commentaires, mais a salué les journalistes, leur signalant qu'il fera «tous (ses) commentaires une fois la décision rendue».

«M. Duceppe ne fera aucun commentaire ni avant, ni après la rencontre. Il ne commentera que lorsque la décision du Bureau de régie interne sera connue», avait en effet indiqué la porte-parole de l'ancien chef bloquiste, Carole Lavallée, elle-même ancienne députée du Bloc québécois, dans un communiqué de presse.



La Presse a révélé il y a trois semaines que M. Duceppe a payé le salaire du directeur général du Bloc québécois, Gilbert Gardner, en puisant dans le budget de fonctionnement de son cabinet, octroyé par la Chambre des communes.

M. Gardner a été directeur général du Bloc québécois de 2004 à 2011 et a empoché un salaire annuel d'environ 100 000$. La Presse a aussi révélé que M. Duceppe avait payé au moins un autre directeur général de cette manière, Patrick Marais, en poste de 1998 à 2000.

Débat de fond

Les membres du Bureau de régie interne affirment à l'unisson que payer le salaire d'un directeur général d'un parti à même les sommes octroyées par les Communes n'est pas permis par les règles régissant l'utilisation des fonds publics par les députés.

Le Bureau de régie interne «est responsable d'établir les règlements administratifs, les politiques et les lignes directrices concernant les dépenses et les ressources fournies aux députés pour qu'ils s'acquittent de leurs fonctions parlementaires. Il a le pouvoir exclusif de décider si des dépenses sont appropriées et conformes aux règlements administratifs, politiques et lignes directrices établis. Ce pouvoir lui est conféré par la Loi sur le Parlement du Canada», peut-on lire sur le site internet de la Chambre des communes au sujet du mandat de ce comité.

Mais M. Duceppe et son ancien chef de cabinet, François Leblanc, affirment avoir agi de manière transparente et avoir obtenu l'avis des experts de la Chambre des communes au préalable avant d'instaurer cette pratique. Le Bloc n'a pas encore produit cet avis des experts des Communes.

Dans son avis juridique, l'avocat François Gendron a affirmé que, selon les règles de la Chambre des communes, les activités partisanes sont inhérentes à la fonction de député.

«Il m'apparaît difficile de soutenir qu'un député ne peut pas utiliser les ressources parlementaires à des fins partisanes, à moins de s'écarter du sens courant, naturel et ordinaire des mots, de distinguer là où le texte ne distingue pas, et d'introduire dans le texte une volonté étrangère à celle de son auteur», affirmait M. Gendron dans son avis.

«La pratique de rémunérer un directeur de parti à partir des fonds parlementaires n'est interdite par aucun texte, comme le sont généralement les pratiques que le législateur veut prohiber, et à l'encontre desquelles il s'exprime alors clairement et formellement», avait-il ajouté.

Trois députés conservateurs (le ministre Peter Van Loan, le whip Gordon O'Connor et Rob Merrifield) deux députés néo-démocrates (Joe Comartin et Chris Charlton), un député libéral (Judy Foote) et le président de la Chambre des communes, Andrew Scheer, également un conservateur, siègent au Bureau de régie interne.

Le Bloc québécois, qui n'est plus reconnu comme un parti à la Chambre des communes depuis les dernières élections, n'ayant pas obtenu les 12 sièges requis, ne fait plus partie de ce comité. Le député bloquiste André Bellavance avait plaidé pour que le Bloc soit représenté compte tenu des circonstances particulières de ce dossier, mais cette demande a été rejetée.

- Avec la PC