Le gouvernement Harper a balayé d'un revers de main un rapport indépendant qui le contredit au sujet de la viabilité du régime fédéral des pensions, mercredi. Et il s'est attaqué à son auteur.

Le directeur parlementaire du budget (DPB), Kevin Page, est un officier chargé d'informer les parlementaires sur l'état des finances publiques. Il a publié mercredi une analyse sur les coûts à long terme des prestations aux aînés. Sa conclusion contredit ce que soutient le gouvernement conservateur depuis deux semaines: Ottawa peut aisément maintenir ce programme à flot au cours des prochaines années. Il peut même se permettre de le bonifier. «Le gouvernement fédéral pourrait [...] réduire ses revenus, augmenter ses dépenses relatives aux programmes ou une combinaison de ces deux éléments [...] tout en maintenant une structure financière viable», peut-on lire dans le rapport.

Le gouvernement Harper refuse de préciser ses intentions au sujet des pensions des aînés. Il se contente de marteler que des changements sont nécessaires pour assurer la viabilité du programme. Les conservateurs ne nient pas les informations selon lesquelles ils sont sur le point de hausser l'âge d'admissibilité aux pensions de Sécurité de la vieillesse de 65 à 67 ans.

Criblés de questions à la Chambre des communes, les ténors du gouvernement Harper sont restés campés sur leurs positions. «Il y a une crise en vue dans les pensions de Sécurité de la vieillesse et c'est pourquoi nous prenons des mesures maintenant avant qu'il ne soit trop tard, a affirmé la ministre des Ressources humaines, Diane Finley. Nous ne voulons pas imposer un fardeau aux générations futures avec des hausses de taxes massives pour soutenir le programme.»

Le ministre des Finances, Jim Flaherty, s'en est pris à

M. Page. «En février dernier, il a déclaré au comité des finances des Communes que nous avions un déficit fiscal, un déficit structurel au Canada, a déclaré le ministre. Et vous savez pourquoi? À cause des changements démocratiques. Et aujourd'hui, il publie un rapport soutenant le contraire. Pas croyable, pas fiable, pas crédible.»

Le gouvernement fait valoir que le coût des pensions de Sécurité de la vieillesse est appelé à tripler d'ici 20 ans, conséquence du vieillissement de la population. Le programme coûtait 36 milliards en 2010, et la facture explosera à 108 milliards en 2030.

M. Page ne conteste pas ces projections. Mais il souligne que ces dépenses additionnelles seront, somme toute, fort gérables puisque l'économie canadienne et, par extension, les revenus de l'État vont croître dans les prochaines décennies.

Les prestations fédérales aux aînés représentaient 2,2% du produit intérieur brut (PIB) en 2010-2011. Cette proportion va croître pour atteindre un sommet de 3,2% en 2036-2037, puis elle va baisser de nouveau, prévoit M. Page. Pendant cette même période, à moins d'un changement majeur dans le régime d'imposition ou dans les dépenses, la dette continuera de fondre en proportion au PIB.

Quoi qu'en disent les conservateurs, le rapport de Kevin Page prouve que la crise des pensions a été fabriquée de toutes pièces par le gouvernement Harper, dénonce l'opposition.

«Ce gouvernement n'a aucune crédibilité dans ce dossier et le gouvernement est contredit, non seulement par le DPB, mais aussi par ses propres calculs actuariels, dénonce le critique néo-démocrate en matière de finances, Peter Julian. Alors, clairement, il y a un énorme vide de crédibilité entre ce que le gouvernement dit et les faits.»

Le chef libéral, Bob Rae, estime que le gouvernement Harper est plus motivé par son vieux fond réformiste que par l'équilibre des finances publiques. «C'est un problème qui existe, franchement, dans la tête du gouvernement», a-t-il dénoncé.