Parcs Canada, l'Agence canadienne d'inspection des aliments et le Conseil national de la recherche font partie de la vingtaine d'agences fédérales qui cesseront de voir leurs livres contre-vérifiés par le vérificateur général. Le chien de garde du gouvernement souhaite cesser de mener les audits financiers dans ces organismes dans le cadre d'un plan de compressions, une décision qui pourrait les forcer à confier cette tâche au privé.

Le gouvernement Harper s'apprête à réduire ses dépenses de 5% à 10% dans son prochain budget, et le Bureau du vérificateur général s'impose lui aussi une cure minceur. Le chien de garde des fonds publics avait déjà annoncé des coupes de 8% dans ses dépenses, l'automne dernier.

Le budget annuel du Bureau - 88 millions - sera réduit de 6,5 millions. Une soixantaine de postes seront éliminés, soit un dixième du personnel.

Le Bureau du vérificateur vient de dévoiler plus de détails sur l'impact qu'auront ces coupes sur ses activités. Si son projet obtient l'aval du gouvernement, il cessera de contre-vérifier les états financiers de 18 agences fédérales.

Parmi celles-ci figure le Conseil national de recherches, dont le budget est de 691 millions. On trouve aussi l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA), dont les dépenses devraient s'élever à 744 millions en 2011-2012. Parcs Canada, dont les dépenses devraient atteindre 696 millions cette année, cesserait aussi de soumettre ses états financiers aux limiers du vérificateur.

La liste comprend aussi le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, le Conseil de recherches en sciences humaines ainsi que la Commission des champs de bataille nationaux.

«Les audits des états financiers de ces 18 entités, dont nous proposons l'arrêt, ne représentent qu'une petite partie de nos quelque 150 audits des états financiers annuels, précise le vérificateur Michael Ferguson. Ces entités sont petites et représentent un faible risque comparativement aux organisations pour lesquelles nous poursuivrons les audits des états financiers.»

Le plan de compressions a été préparé avant l'entrée en fonction de M. Ferguson, l'automne dernier. Le Bureau du vérificateur général a demandé au gouvernement Harper d'adopter des changements législatifs afin de le dispenser de son obligation de scruter les livres de certaines agences.

Aux contribuables qui pourraient se préoccuper de l'utilisation rigoureuse des fonds publics dans ces agences, M. Ferguson fait valoir qu'il pourra toujours mener des enquêtes si nécessaire.

«Si nous sentons qu'une agence en particulier est à risque, nous pouvons mener un audit, a indiqué M. Ferguson la semaine dernière. Nous ne renoncerions pas à notre pouvoir de mener des audits, mais nous n'en mènerions pas chaque année.»

Contre la tendance

N'empêche, dit l'ancien président de la Caisse de dépôt et placement du Québec Richard Guay, ce projet va à l'encontre de la tendance qui est observée partout dans le monde. Règle générale, les gouvernements sont de plus en plus soucieux de montrer patte blanche.

«En gros, ils disent que ces 18 agences sont moins importantes, ils voient moins de risques, donc ils ne les vérifient plus, souligne M. Guay, aujourd'hui professeur de finance à l'UQAM. En principe, les risques se cachent justement dans des endroits qui ne sont pas vérifiés.»

Il s'imagine mal qu'une agence comme le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), par exemple, en vienne à présenter chaque année des états financiers non vérifiés. C'est pourquoi cet organisme, comme les autres, voudra sans doute confier ses livres à des sociétés de vérification privées.

Le Conseil national de recherches, par exemple, «demeure résolu à assurer annuellement la continuité de la vérification indépendante de ses états financiers», a indiqué son porte-parole, Charles Drouin.

«Peut-être que le vérificateur général économise, disons, 1 million pour ne pas vérifier les activités du BSIF, illustre Richard Guay. Le BSIF, lui, va certainement dépenser 3 millions dans le privé pour avoir un service similaire. Pour moi, c'est un pelletage de budget hors du Bureau du vérificateur général.»

Ces dépenses additionnelles surviendraient au moment où tous les ministères fédéraux sont sur le point de se serrer la ceinture. Le gouvernement Harper s'apprête en effet à imposer des coupes de 5% à 10% dans son prochain budget.

Au bureau du ministre Tony Clement, président du Conseil du Trésor, on indique que le plan de compressions mis de l'avant par le vérificateur fera l'objet d'une étude au Parlement.

Le député Scott Brison, critique libéral en matière de finances, estime qui les coupes budgétaires au Bureau du vérificateur ne peuvent que réduire la responsabilisation dans l'appareil gouvernemental. «Si le gouvernement est réellement déterminé à réduire les dépenses et à couper le gaspillage, a-t-il dit, il y a un argument pour augmenter les ressources du vérificateur général.»