Le Nouveau Parti démocratique (NPD), qui a maintes fois dénoncé les tactiques sournoises du gouvernement Harper, est à l'origine d'une vague d'appels automatisés qui a paralysé les bureaux de la députée transfuge Lise St-Denis dans les derniers jours.

Vingt-quatre heures après que la députée de Saint-Maurice-Champlain eut annoncé qu'elle quittait le NPD pour le Parti libéral, des dizaines de citoyens de cette circonscription ont reçu des appels téléphoniques. Un message automatisé leur annonçait le changement d'allégeance de Mme St-Denis et les invitait à appuyer sur la touche 1 pour exprimer leur désaccord.

Des employés submergés d'appels

Sans le savoir, les citoyens étaient alors dirigés vers le bureau de la députée St-Denis. Pendant deux jours, ses employés ont été submergés par des centaines d'appels téléphoniques.

Selon l'attaché politique de Mme St-Denis, Roger Le Blanc, le manège a cessé jeudi dernier après que ses collègues eurent porté plainte à l'administration de la Chambre des communes. Mais il a repris de plus belle mardi, justement au moment où la chef néo-démocrate, Nycole Turmel, visitait la circonscription Saint-Maurice-Champlain.

Le NPD ne s'en cache pas: il est à l'origine de cette vague d'appels. Le parti a embauché une firme spécialisée pour mener la campagne, un contrat dont il refuse de dévoiler la valeur.

La directrice d'accord

La directrice par intérim du NPD, Chantal Vallerand, se dit tout à fait à l'aise avec cette tactique et assure n'avoir reçu aucune plainte: «C'est une question de démocratie. C'est une façon de donner la parole aux citoyens de cette circonscription pour qu'ils puissent faire savoir s'ils étaient en accord ou en désaccord avec la décision de Mme St-Denis.»

Le député libéral Denis Coderre a dénoncé le stratagème néo-démocrate qui, selon lui, ne fera qu'alimenter la désaffection des électeurs à l'égard des politiciens: «C'est de la mesquinerie, c'est de la fausse représentation, c'est jeter de l'huile sur le feu», a-t-il dénoncé.

Une tactique du Parti conservateur

Professeur de sciences politiques à l'Université d'Ottawa, Robert Asselin fait valoir que le Parti conservateur a habitué les Canadiens à ce type de stratagème, notamment dans le cas du député montréalais Irwin Cotler, le mois dernier. Mais il s'étonne que le NPD y recoure, lui qui se vante de faire de la politique autrement: «Ils veulent faire en sorte que la décision de Mme St-Denis se retourne contre elle, et c'est normal, dit-il. Mais le moyen utilisé, je trouve ça très conservateur.»

Les citoyens qui ont reçu le message automatisé n'étaient pas informés que l'appel était commandité par le NPD ni qu'ils seraient dirigés au bureau de la députée St-Denis. Malgré tout, le NPD se défend d'avoir agi de manière trompeuse. «Je ne crois pas qu'on puisse comparer avec les tactiques des conservateurs, a indiqué Chantal Vallerand. On n'a pas induit les gens en erreur en leur disant de faire quelque chose à leur insu.»

Le président change d'avis

Dans une entrevue accordée au site iPolitics, qui a révélé l'affaire, le président du caucus québécois du NPD, Guy Caron, s'était d'abord dissocié de la vague d'appels. «Ce n'est pas notre façon de faire les choses et je serais extrêmement surpris si ça venait de nous», a-t-il déclaré.

En entrevue à La Presse, mardi, le député Caron s'est rangé derrière la stratégie de son parti. Les appels, dit-il, permettent d'informer les citoyens du changement d'allégeance de Mme St-Denis. «Initialement, je pensais qu'on me parlait d'une stratégie qui faisait en sorte que les gens étaient dirigés automatiquement, et je n'aurais pas voulu ça, a-t-il dit. L'objectif n'est pas de bloquer des lignes téléphoniques, mais bien de permettre aux gens de canaliser un mécontentement qui était palpable.»

Décision contestée

La décision de la députée St-Denis n'a pas passé comme une lettre à la poste dans la circonscription Saint-Maurice-Champlain, où moins de 12% des électeurs ont voté pour le Parti libéral le 2 mai dernier. Des citoyens ont lancé une pétition pour réclamer sa démission. Plus de 2000 personnes l'ont signée.

Mardi, la chef intérimaire du NPD, Nycole Turmel, a sommé la députée de démissionner «par respect envers la démocratie et les dizaines de milliers de citoyens ayant choisi d'accorder leur confiance au NPD lors de la dernière élection».

Elle a confié aux députés Robert Aubin et Ruth Ellen Brosseau, des circonscriptions voisines de Trois-Rivières et Maskinongé, les dossiers des résidants de Saint-Maurice-Champlain à la Chambre des communes.