Le gouvernement Harper ne se lancera pas dans une autre campagne pour obtenir un siège temporaire de deux ans au Conseil de sécurité des Nations unies après la défaite encaissée en 2010, a indiqué le ministre des Affaires étrangères, John Baird.

«Ce n'est pas quelque chose que j'envisage», a dit le ministre lors d'une entrevue de fin d'année accordée à La Presse Canadienne juste avant Noël.

Tout en expliquant qu'il n'est jamais intéressant de se présenter pour un poste sans finalement le décrocher, le ministre s'est montré incisif en faisant valoir que «le Canada ne se contenterait pas d'être accommodant».

Ce nouveau mantra, John Baird l'a formulé à huit reprises pendant le discours qu'il a prononcé au nom du Canada au siège des Nations unies à New York le 26 septembre dernier.

En octobre 2010, le Portugal avait été préféré au Canada pour occuper le second des deux sièges non permanents qui étaient disponibles au Conseil de sécurité, l'organe le plus puissant des Nations unies. C'était la première fois depuis la fondation de l'organisation internationale, il y a plus de 60 ans, que le Canada ne parvenait pas à obtenir le siège temporaire qu'il convoitait.

Ce revers avait suscité le mécontentement de nombreux observateurs, qui reprochaient au gouvernement conservateur de Stephen Harper de s'être aliéné plusieurs des quelque 190 pays membres des Nations unies en menant une politique étrangère nettement favorable à Israël, en se conduisant comme un mauvais élève sur le plan des politiques climatiques, et en s'éloignant progressivement du continent africain.

John Baird s'est élevé contre les allégations de ses détracteurs, et ce, sur tous les fronts.

«Peut-être que si nous avions décidé de nous taire et de ne pas parler des droits des homosexuels en Afrique, peut-être que si nous avions tu nos inquiétudes sur la situation au Sri Lanka, peut-être que si nous n'avions pas décrié aussi énergiquement le bilan effroyable de l'Iran en matière de droits de la personne, peut-être que l'Iran aurait voté pour nous», a lancé le ministre lors d'un entretien accordé le 20 décembre, une journée qu'il avait consacrée aux entrevues de fin d'année avec plusieurs médias.

«Nous ne l'avons pas fait et je ne pense pas que nous regrettions quoi que ce soit, a-t-il poursuivi. L'Iran a probablement voté contre nous, la Corée du Nord a probablement voté contre nous, tout comme Kadhafi a probablement voté contre nous. Je crois que nous devrions en être honorés.»

Le ministre Baird s'est dit spécialement fier de la position adoptée par le gouvernement du Canada face à celui du Sri Lanka, qui n'a pas enquêté avec suffisamment de sérieux, selon Ottawa, sur les atrocités commises par les forces militaires nationales lors de l'assaut final lancé contre les Tigres tamouls en mai 2009.

«Nous sommes horrifiés face à cette situation. Quelqu'un doit se lever et demander que l'on rende des comptes en ce qui a trait aux crimes de guerre, à l'absence de tout processus de réconciliation significatif (...) Ce n'est peut-être pas très populaire, mais quelqu'un doit évoquer ces réalités. Je pense que c'est extrêmement important», a affirmé le ministre Baird.

Des critiques reprochent à John Baird et au gouvernement Harper de préconiser une approche de «diaspora politique» en adoptant des positions susceptibles de plaire à certaines populations néo-canadiennes en fonction de leur poids démographique. Les tamouls, par exemple, se comptent par centaines de milliers dans certaines circonscriptions clés de Toronto. Le ministre balaie ces affirmations du revers de la main, faisant remarquer que les conservateurs «ne l'ont pas fait la veille des élections».

Ottawa s'est également attiré les foudres des communautés musulmane et arabe du Canada pour son soutien à l'égard d'Israël, considéré comme indéfectible par ces populations. John Baird n'en croit rien: d'après lui, ces mésententes sont montées de toutes pièces par les médias du pays.

«C'est une question de principe. Si vous regardez notre position à l'égard d'Israël - dans ma circonscription, il y a 2800 juifs pour 11 500 arabes et musulmans. Nous ne le faisons pas pour le capital politique, nous le faisons car nous estimons que c'est juste et nous y croyons.»

John Baird a indiqué qu'il avait l'intention de se rendre en Israël et en Palestine au début du mois de janvier. Il n'a pas tari d'éloges à l'endroit du premier ministre palestinien Salam Fayyad, qu'il a rencontré un peu plus tôt cette année.

«L'histoire de son succès est probablement la plus discrète au monde. La situation sécuritaire en Cisjordanie s'est considérablement améliorée depuis qu'il est en poste.»

Et cette réputation de cancre en matière de lutte aux changements climatiques qui colle à la peau du Canada depuis quelques temps, qu'en pense John Baird? C'est le ministre lui-même qui soulève la question.

«J'ai fait environ deux fois le tour du monde, et il y a seulement deux ministres des Affaires étrangères qui ont souhaité en discuter avec moi. C'est un dossier important pour certains, mais ce n'est certainement pas un dossier dont on m'a souvent parlé.»