On saura dimanche qui, de Daniel Paillé, Maria Mourani ou Jean-François Fortin, sera le nouveau chef du Bloc québécois. Mais peu importe le gagnant, le successeur de Gilles Duceppe aura fort à faire pour convaincre les électeurs de la pertinence d'un parti souverainiste à Ottawa. Et les premiers qu'il devra convaincre sont ses propres membres.

Le quart des membres du Bloc québécois ne participent pas à l'élection du successeur de Gilles Duceppe, faute d'avoir renouvelé leur adhésion. Une désaffection qui contraste avec l'effervescence des courses à la direction dans d'autres partis politiques, généralement une occasion en or pour recruter.

Sur les 49 973 détenteurs de carte, 36 341 l'ont renouvelée avant le 18 novembre, date limite pour participer au scrutin postal pour désigner le nouveau chef, dont le résultat sera dévoilé dimanche. Cela veut dire que 13 600 membres - 27% de l'effectif - ont renoncé à voter.

Bon nombre de partisans du Bloc ont déménagé ou sont difficiles à joindre, explique la présidente par intérim du parti, Vivian Barbot. Mais d'autres ignoraient qu'une course à la direction était en cours lorsque le parti les a joints.

«Je n'y vois rien de particulier en ce qui concerne l'élection actuelle, dit-elle. L'élection, ce sont des gens qui sont déjà à l'interne, qui sont connus. Ce n'est pas comme si on avait une vedette qui venait de partout qui se présentait.»

«Les militants se sont mobilisés, mais les membres, non», constate Pierre Paquette, l'ancien leader parlementaire du Bloc qui, comme la plupart de ses collègues, a été emporté par la vague orange le soir du 2 mai.

La réflexion repoussée

M. Paquette, qui a représenté Joliette pendant 11 ans, s'est lancé dans la course à la succession de Gilles Duceppe, mais il s'est finalement désisté. Le parti a des priorités plus pressantes que de nommer un nouveau chef, juge-t-il.

«Je pense qu'avant de choisir un chef, il aurait fallu lancer une réflexion collective sur les raisons qui nous ont menés au 2 mai», explique-t-il.

Les trois candidats à la direction conviennent que le Bloc québécois doit changer son approche, promouvoir la souveraineté avec plus de vigueur et proposer des solutions au lieu de se contenter de critiquer le gouvernement fédéral.

Mais la course a plutôt donné lieu à des débats sur le fonctionnement interne du parti que sur les positions qu'il défend. Maria Mourani souhaite ouvrir le Bloc à des souverainistes qui ne militent pas au sein du Parti québécois. Jean-François Fortin, champion des régions, souhaite que le parti donne plus de place aux associations locales. Il est rejoint en partie par Daniel Paillé qui, lui, souhaite un ménage en règle.

Vivian Barbot se dit surprise que la course n'ait pas provoqué une réflexion plus profonde sur les orientations du parti.

«J'ai été étonnée de ne pas entendre parler de certaines choses, par exemple des propositions plus formelles sur aujourd'hui, ici et maintenant», confie-t-elle.

«Je n'ai pas l'impression que ces idées vont permettre de démontrer la pertinence et l'utilité du Bloc à Ottawa», renchérit Pierre Paquette.

La remise en question du Bloc aura bel et bien lieu, promettent les candidats. Mais plus tard.

«On a tous les trois dit la même chose, indique la candidate Maria Mourani, députée d'Ahuntsic. Le débat de fond sur le programme du parti va être revu au cours d'un congrès avec les membres.»

Rien ne presse, convient Daniel Paillé, candidat malheureux dans Hochelaga le 2 mai. Car il reste plusieurs années avant les prochaines élections.

«Si, dans la première année, on est plus ou moins en dessous du radar, ça ne voudra pas dire qu'on ne va pas travailler, dit-il. Je n'aspire pas à des sondages où l'on nous attribue 60% des intentions de vote au lendemain de l'élection du chef.»

Le nouveau chef devra relever tout un défi, car l'heure est grave pour les partis souverainistes, reconnaît Jean-François Fortin. La course à la direction du Bloc survient alors que le Parti québécois est aux prises avec de graves dissensions internes, et que plusieurs souverainistes sont tentés par la Coalition avenir Québec de François Legault.

«Si on ne fait pas, dans les prochaines années, des actions qui vont être déterminantes, c'est l'essoufflement de notre mouvement qui va faire en sorte que notre projet ne pourra plus être porteur, convient M. Fortin. On n'inspire pas la confiance comme mouvement dans le moment.»

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MARIA MOURANI

L'électron libre qui brasse la cage

Des trois candidats, la députée d'Ahuntsic est celle qui a avancé les propositions les plus controversées pour changer l'action politique du Bloc.

La formation, dit-elle, doit repenser la relation exclusive qui la lie au Parti québécois. Elle doit tisser des liens avec l'ensemble des troupes souverainistes, qu'ils militent au sein de Québec solidaire ou d'Option nationale.

«J'ai vu beaucoup de gens de QS nous quitter parce qu'on avait cette position-là», relate-t-elle.

Elle souhaite également que le Bloc tente de rapatrier de nouveaux pouvoirs du gouvernement fédéral, quitte à ouvrir des négociations constitutionnelles. Cette prise de position lui a valu des critiques de ses adversaires, qui l'accusent de se lancer dans un nouveau «beau risque».

Selon Mme Mourani, le Bloc ne doit pas limiter son action à la scène fédérale. Il doit prendre position dans des dossiers qui relèvent du gouvernement provincial, par exemple le gaz de schiste ou le dégel des droits de scolarité.

Ses prises de position ont été critiquées par ses rivaux, mais elles ont séduit le Forum jeunesse du Bloc québécois, qui appuie sa candidature.

«Nous avons un énorme défi à relever, c'est de rétablir notre crédibilité et de reconquérir le coeur de la population québécoise», dit-elle.

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DANIEL PAILLÉ

Le gestionnaire qui veut faire le ménage

Issu du milieu des affaires, Daniel Paillé est perçu comme moins proche des syndicats, alliés traditionnels du Bloc québécois.

«J'aimerais mieux avoir un gouvernement de droite dans un Québec souverain qu'une province socialiste dans un pays conservateur comme c'est le cas actuellement», résume-t-il.

En bon gestionnaire, il a critiqué la tenue du premier débat dans un hôtel de luxe de Québec. Selon lui, le Bloc doit mieux gérer ses ressources, alors que le gouvernement Harper s'apprête à mettre fin au financement public des partis politiques.

S'il est élu, il promet de présenter un budget dès l'an prochain pour permettre au Bloc de se présenter aux prochaines élections avec un trésor de guerre qui lui permettra de rivaliser avec les autres partis.

D'ici au prochain scrutin, il souhaite revoir la manière dont le parti fonctionne. Comme son rival Jean-François Fortin, il souhaite donner davantage de pouvoirs aux membres.

«Il faut virer la maison à l'envers, tout mettre sur la table, et faire en sorte que ce parti reparte de bas en haut», affirme-t-il.

Mais comme ses rivaux, il reste évasif sur les changements qu'il souhaite apporter au programme du Bloc.

M. Paillé a reçu l'appui du député André Bellavance et de plusieurs anciens élus du Bloc.

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JEAN-FRANÇOIS FORTIN

Le champion des régions

Le Bloc québécois a souvent été perçu comme un parti montréalais et Jean-François Fortin veut changer cette image. Selon lui, le salut du parti passe par la valorisation de ses membres, notamment ceux des régions.

«Il faut repartir d'en bas pour remonter vers le haut», résume M. Fortin, le seul candidat qui n'est pas montréalais.

Le Bloc est arrivé à Ottawa de manière fracassante il y a plus de 20 ans, et ses succès électoraux ne l'ont jamais amené à se remettre en question, estime le député de Haute-Gaspésie-La Mitis-Matane-Matapédia. Le choix des candidats, les grandes orientations, tout cela était décidé par l'entourage du chef.

C'est ce que Jean-François Fortin souhaite changer. S'il est élu, il s'engage à convoquer un congrès extraordinaire des membres du Bloc. L'objectif n'est pas de débattre des positions politiques du parti, mais bien de ses statuts et règlements.

«Il faut renaître de nos militants, renaître de nos membres, et renaître des Québécois, dit-il. Le prochain chef du Bloc québécois, étant donné le peu de moyens parlementaires dont nous disposons, devra être très présent sur le terrain.»

M. Fortin a reçu l'appui de plusieurs anciens députés bloquistes, notamment Paul Crête, Suzanne Tremblay et Yves Lessard.