Reclassification des armes les plus dangereuses, conservation des données, étude des coûts de la destruction du registre: un à un, les amendements proposés par l'opposition sur l'abolition du registre des armes d'épaule ont été écartés.

Le projet de loi C-19 détruisant le registre et toutes les données qu'il contient a passé l'étape du comité parlementaire, mardi, et en est ressorti tel quel. Le registre vit ses dernières heures, puisque le projet de loi, renvoyé en Chambre, devrait être adopté avant les Fêtes.

«Moi, je dis que c'est un cadeau de Noël empoisonné», s'est désolée la néo-démocrate Françoise Boivin.

Après avoir entendu en comité plusieurs témoins plaidant pour le maintien du registre, ou à tout moins de ses données, l'opposition a tenté, en vain, d'apporter quelques modifications à C-19.

Néo-démocrates et libéraux ont d'abord tenté de faire en sorte que les données du registre puissent être transférées aux provinces qui souhaitent mettre sur pied leur propre registre. Les amendements mis de l'avant ont été jugés irrecevables, parce qu'ils changeaient l'esprit du projet de loi.

Le même scénario s'est répété notamment quand les députés d'opposition ont tenté de convaincre le gouvernement de forcer les vendeurs d'armes à feu à vérifier la validité du permis de l'acheteur.

Les rares amendements jugés admissibles ont été rapidement battus par le vote des conservateurs, majoritaires au comité.

Les néo-démocrates ont en effet demandé à ce que les coûts liés à la destruction des données soient analysés, dans un souci de «transparence» du gouvernement à l'endroit des Canadiens. La destruction des données ne sera pas aussi simple que lorsqu'on appuie sur le bouton «supprimer» d'un ordinateur, ont-ils plaidé, et cela «va générer des coûts».

Par la voix de la députée conservatrice Candice Hoeppner, le gouvernement a fait savoir qu'il n'allait pas appuyer cette suggestion.

«C'est le 'pattern' de ce gouvernement-là qui va nous dire à tous les jours qu'il faut se serrer la ceinture, qu'il va couper allègrement dans les choses dans lesquelles il ne croit pas. Mais quand c'est des choses dans lesquelles il croit, il se fout carrément des coûts», a regretté Mme Boivin.

Erreur meurtrière

Le candidat au leadership du NPD et ancien partisan de l'abrogation du registre, Nathan Cullen, a demandé quant à lui à ce que la liste des armes à feu interdites ou à utilisation restreinte au Canada soit révisée sur une base régulière.

Il aurait aimé entre autres que la Ruger Mini-14, qui a été utilisée lors de la tuerie de la Polytechnique il y a 22 ans, ne se retrouve pas dans les rues sans qu'on ait besoin de l'enregistrer formellement. Il a également utilisé des exemples de fusils de tireur d'élite ou d'armes destinées «au combat urbain» pour faire valoir son point.

Devant le refus des conservateurs d'en discuter, M. Cullen a jeté l'éponge.

«Je ne peux pas appuyer cela», a-t-il laissé tomber. Au vote en deuxième lecture du projet de loi gouvernemental, M. Cullen s'était éclipsé pour ne pas avoir à voter et ainsi briser la ligne de son parti. Il s'était rangé du côté des conservateurs sur cet enjeu par le passé.

«Il n'y pas un propriétaire d'arme respectant la loi que chacun de nous représentons qui veut plus de fusils de tireur d'élite dans la société canadienne», a-t-il tranché. Ce ne sont pas le genre d'armes utilisées par les chasseurs pour abattre les chevreuils ou les orignaux, a-t-il précisé.

«Une erreur se commet aujourd'hui et c'est possiblement une erreur meurtrière», a conclu M. Cullen.

Toutes ces rebuffades ont poussé le néo-démocrate Jack Harris à proposer cyniquement de remplacer le titre du projet de loi par la «Loi mettant en péril la sécurité publique».

Il ne reste que la troisième lecture à la Chambre des communes, un dernier débat où le scénario vu en comité devrait se répéter. Le projet de loi C-19 ira alors au Sénat avant de devenir loi.