Le ministre fédéral de l'Industrie, Christian Paradis, promet que des enquêtes approfondies seront menées sur les allégations de détournement de fonds provenant du programme de prêts aux petites et moyennes entreprises de son ministère.

Jeudi, La Presse a fait état d'un stratagème de fausses factures et de factures gonflées qui permet à des propriétaires de réseaux de franchises d'empocher indûment des sommes importantes garanties par le gouvernement fédéral. Le stratagème touche en particulier des réseaux de restaurants.

«C'est répugnant», a laissé tomber le ministre Paradis, jeudi, alors qu'il se trouvait à Montréal pour dévoiler les grandes lignes de la Loi sur les régimes de pension agréés collectifs. «Les gens doivent être imputables de ce qu'ils font et, effectivement, s'il y a des gens qui ont agi de façon contraire à la loi, ils devront être poursuivis en justice.»

Le ministre s'est dit d'autant plus outré que ces allégations visent un programme utile, selon lui. «Je trouve ça inacceptable parce que c'est malheureux; vous avez des bons programmes économiques comme ça qui peuvent être porteurs et ça vient porter ombrage justement à tous les bienfaits que ce programme-là peut amener», a dit M. Paradis.

Plus de 7500 entreprises canadiennes bénéficient annuellement de ce programme géré par Industrie Canada, dont environ le tiers au Québec. Le ministre Paradis a dit avoir appris la nouvelle à la lecture de La Presse jeudi. «Je vais exiger que la lumière soit faite sur ça», a-t-il affirmé.

«Mais avant d'accuser, on va prendre l'information. On va faire ce qu'il faut pour que ces gens-là soient imputables et même, au besoin, si on se rend compte qu'il y a eu un bris de la loi, qu'ils soient poursuivis en justice», a souligné le ministre.

Fausses factures

Selon l'enquête de La Presse, des millions de dollars ont été détournés du programme de prêts aux PME depuis plusieurs années. L'affaire impliquerait des millions de dollars et des dizaines de restaurants franchisés. L'enquête repose sur le témoignage de plusieurs informateurs et sur des preuves documentaires (fausses factures, états de comptes bancaires, etc.).

En vertu du programme fédéral, les fonds qu'emprunte un restaurant à une banque sont garantis par le gouvernement fédéral, qui assume 85% des pertes en cas de faillite. La banque avance des fonds qui doivent servir à la rénovation ou à l'achat d'équipements, avec pièces justificatives.

Or, deux entrepreneurs en construction ont affirmé à La Presse avoir fabriqué à répétition de faux documents pour obtenir l'argent qui, après avoir été versé dans leur compte, a été transféré au franchiseur du restaurant. En général, les rénovations ont eu lieu, du moins en partie, disent-ils. Toutefois, bien souvent, les factures justificatives remises aux banquiers sont gonflées et le surplus est versé au franchiseur qui reçoit les fonds.

Des restaurateurs et entrepreneurs commencent à dénoncer la situation, car le fisc leur réclame ensuite les taxes de vente inscrites sur les factures gonflées. Certains entrepreneurs en construction sont ainsi acculés à la faillite.

Jeudi, le député Guy Caron a posé une question en Chambre sur le sujet à Maxime Bernier, ministre d'État à la Petite Entreprise et au Tourisme. «Est-ce que le ministre peut nous dire combien Industrie Canada a perdu dans ce programme en remboursant les prêts d'entreprises qui ont fait faillite?», a-t-il demandé.

«En ce qui concerne des fraudes potentielles, a dit le ministre Bernier, j'aimerais encourager les personnes qui sont témoins d'actes illégaux ou de fraudes de faire les plaintes aux autorités appropriées. C'est sérieux. C'est l'argent des contribuables.»

Industrie Canada n'avait pas fait de commentaires à La Presse, malgré les deux jours de délai mis à sa disposition. Hier matin, après la publication de l'enquête, le Ministère a finalement transmis une réaction par courriel.

«Industrie Canada prend la fraude au sérieux et travaille avec les prêteurs afin de la prévenir et de la détecter. Lorsque le programme est informé ou détecte une fraude présumée, il procède à une analyse des informations disponibles et prépare un dossier pour présentation à la GRC. Le Programme transmet tous les prêts identifiés comme étant présumément frauduleux à la GRC pour enquête», a répondu le porte-parole du Ministère, Michel Cimpaye.