Le Nouveau Parti démocratique a dû se défendre, lundi, d'avoir approuvé un candidat unilingue anglophone au poste de juge de la Cour suprême du Canada.

Le premier ministre Stephen Harper a annoncé en début de journée son choix pour les deux vacances au plus haut tribunal du pays: il s'agit de deux juges de la Cour d'appel de l'Ontario, Michael J. Moldaver et Andromache Karakatsanis. Ils pourraient entrer en poste dès la semaine prochaine pour remplacer Ian Binnie et Louise Charron, deux magistrats ontariens qui ont quitté leur siège plus tôt cette année.

Or, le juge Michael Moldaver ne comprend pas bien le français - alors que la maîtrise de la langue est une demande de longue date du NPD qui a même fait l'objet d'une motion à l'Assemblée nationale, à Québec, en 2008.

Si ces candidats sont confirmés, ce sera la deuxième fois que le premier ministre Harper nomme un juge unilingue anglophone à la Cour suprême, sur un total de quatre nominations depuis 2006.

«Il est très regrettable que le gouvernement de M. Harper n'ait pas décidé de nommer des juges complètement bilingues», a d'ailleurs réitéré lundi la chef par intérim du Nouveau Parti démocratique, Nycole Turmel.

Pourtant, ces deux juges faisaient partie d'une liste de six candidats recommandés remise au gouvernement et que les néo-démocrates ont eux-mêmes signée à la suite d'audiences tenues à huis clos par un comité parlementaire de cinq députés (trois conservateurs, un néo-démocrate et un libéral).

«Ce n'est pas contradictoire, s'est défendue Mme Turmel. Nous avions des critères, il n'y a pas de loi présentement et je n'ai pas vu la liste, mais elle contenait des personnes bilingues, donc M. Harper avait le choix.»

Appuyé par son parti, le député néo-démocrate Yvon Godin tente depuis plusieurs années de faire adopter un projet de loi qui exigerait que tout magistrat nommé au plus haut tribunal du pays soit capable de comprendre les deux langues officielles sans l'aide d'un interprète.

«Vous connaissez ma position sur les juges bilingues», a réagi M. Godin lundi. Il a renvoyé la balle à Joe Comartin, le député néo-démocrate qui siégeait au comité consultatif. Mais invoquant le huis clos, M. Comartin n'a pas voulu dire pourquoi il avait accepté d'apposer son nom sur cette liste.

Au Parti libéral, le chef intérimaire Bob Rae s'est montré moins empressé que ses collègues de l'opposition officielle à dénoncer l'annonce du gouvernement. «Je préférerais beaucoup que tout le monde qui siège à la Cour suprême puisse parler français, a-t-il dit. Mais je ne veux pas que ce processus devienne politisé.»

Audiences publiques demain

Des audiences publiques devraient avoir lieu demain; des députés réunis en comité parlementaire pourront poser des questions aux deux candidats. Ce processus avait été mis en place pour la nomination du juge Marshall Rothstein, en 2006.

La confirmation de la nomination des deux juges par le bureau du premier ministre devrait par la suite être une simple formalité.

Mis à part la question linguistique, l'annonce de lundi semble avoir été plutôt bien reçue, et ce, malgré le fait que certaines prises de position du juge Moldaver aient été critiquées par le passé. Il a entre autres multiplié les mises en garde contre le rejet trop fréquent de poursuites en raison de preuves recueillies d'une manière qui contrevient à la Charte des droits et libertés.

Mais tant les experts consultés que les deux partis de l'opposition à Ottawa ont indiqué que, prises dans leur ensemble, ses décisions sont équilibrées. «Les nominations ne me frappent pas comme étant extrêmes ou idéologiques. Ce sont deux personnes très talentueuses et elles feront probablement un très bon travail à la Cour suprême, comme elles l'ont fait à la Cour d'appel de l'Ontario», a déclaré la doyenne de la faculté de droit de l'Université de Toronto, Mayo Moran.

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LEUR BIOGRAPHIE

> Andromache Karakatsanis est née le 3 octobre 1955. Parlant le français, l'anglais et le grec, elle sera la première Canadienne d'origine grecque à être nommée à la Cour suprême du Canada. Elle siège à la Cour d'appel de l'Ontario depuis un an et demi. Elle avait été nommée à la Cour supérieure de l'Ontario en 2002 par le gouvernement fédéral de Jean Chrétien, peu après avoir quitté son poste de plus haute fonctionnaire du gouvernement ontarien de Mike Harris.

> Né le 23 décembre 1947, Michael J. Moldaver est juge depuis 1990, d'abord à la Cour suprême de l'Ontario, puis à la Cour d'appel à partir de 1995. Il a été chargé de cours à l'Université de Toronto pendant plusieurs années et il se spécialise dans le droit criminel.