S'il y a une leçon à tirer des attentats du 11 septembre 2001, dix ans plus tard, c'est que la menace terroriste n'est pas morte, selon Stephen Harper. Or, alors que le premier ministre voit là une raison de réinstaurer certaines clauses de la loi antiterrorisme, l'opposition, elle, dénonce déjà son intention.

Au moment de dresser le bilan de ce 10e anniversaire, Stephen Harper a annoncé, sur les ondes du réseau anglais de Radio-Canada, qu'il avait bel et bien l'intention de rétablir des mesures disparues de la loi contre le terrorisme.

Celles-ci, en vigueur pendant quelques années à la suite des attentats de New York, accordaient notamment des pouvoirs supplémentaires aux forces de l'ordre, permettant à la police d'arrêter quelqu'un sans mandat et de le détenir pendant trois jours sans porter d'accusation. Une autre octroyait le droit à un juge de sommer un témoin de comparaître.

«Nous pensons que ces mesures sont nécessaires, nous pensons qu'elles ont été utiles, et comme vous le savez elles ont rarement été appliquées, mais il y a des moments où elles sont requises», a défendu le premier ministre au réseau CBC.

Pourtant, en réalité les clauses citées par le premier ministre n'ont jamais été utilisées pendant qu'elles étaient en vigueur entre 2001 et début 2007, selon le ministère de la Justice.

Nonobstant, l'argument de M. Harper a aussitôt été repris contre lui par son opposant libéral, Bob Rae.

«Le premier ministre doit nous expliquer; pourquoi si ces mesures sont si importantes et si nécessaires, elles n'étaient pas en place depuis quatre ans», a-t-il rétorqué, en accusant Stephen Harper de manquer de cohérence. D'autant plus que, si ces clauses sont indispensables aujourd'hui, cela veut-il dire que la sécurité des Canadiens est menacée depuis leur expiration au début 2007, a demandé le leader intérimaire du Parti libéral.

Du côté du Nouveau Parti démocratique (NPD), la leader intérimaire Nycole Turmel a argué, mercredi à Montréal, que le pays comptait assez de loi qui «sont suffisantes pour nous protéger».

Quant aux propos de Stephen Harper, qui a d'autre part fait valoir que l'«islamicisme» était la principale menace terroriste au Canada, Mme Turmel a accusé le premier ministre d'avoir «une approche qui divise» le pays.

Son homologue libéral Bob Rae a en outre souligné que ce n'est pas «seulement une question d'une religion» mais plutôt d'une violence extrémiste qui touche plus d'une communauté.

Les propos du premier ministre surviennent alors qu'un rapport de l'Institut Rideau, rendu public mercredi, conclut que le gouvernement fédéral a dépensé depuis le 11 septembre 2001 92 milliards $ supplémentaires en matière de sécurité nationale.

En se basant sur les budgets du fédéral d'il y a dix ans, le rapport note qu'Ottawa a effectué un changement de cap au niveau politique en créant un nouveau «réseau d'effectifs consacrés à la sécurité nationale» qui s'est traduit par une hausse des dépenses qualifiée de «dramatique» par l'auteur du document, David MacDonald.

Pour la seule année 2011-2012, le rapport dénote qu'Ottawa dépensera 34 milliards $ en matière de sécurité nationale, soit 17 milliards $ de plus que ce prévoyait le budget de 2000-2001.

Le document a étudié les budgets des ministères de la Défense, des Affaires étrangères, de la Justice, de la Sécurité publique, de même que ceux de l'Agence de services frontaliers, du Service canadien du renseignement de sécurité et de la Gendarmerie royale du Canada, dont certains ont doublé ou même triplé depuis 2001.

M. MacDonald a dénoncé cette explosion des dépenses, en conférence de presse au parlement, en plaidant que les temps avaient changé depuis le 11 septembre 2001 et que les priorités budgétaires du fédéral devaient peut-être être modifiées en conséquence.

«On ne parle plus d'une guerre contre le terrorisme à l'échelle mondiale, on parle d'une crise économique à l'échelle mondiale», a-t-il fait valoir, en suggérant que le gouvernement réduise son enveloppe consacrée à la sécurité nationale plutôt que de continuer à la bonifier.

Le bureau du premier ministre a refusé de commenter le rapport de M. MacDonald et les chiffres qui y sont cités, renvoyant la balle au ministère de la Sécurité publique, qui lui non plus n'a pas répondu aux questions de La Presse Canadienne.