La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a non seulement insisté pour que l'ex-gouverneure générale Michaëlle Jean voyage toujours à bord des avions gouvernementaux, même pour ses vacances, mais des agents visitaient chacune de ses destinations à l'avance pour scruter à la loupe les hôtels et les lieux qu'elle fréquenterait.

La Presse a révélé hier que Michaëlle Jean avait utilisé les avions gouvernementaux à huit reprises pour des voyages personnels, ce qui a mené à une facture de 553 756$ de janvier 2006 à septembre 2010. «La GRC est responsable de la sécurité de Son Excellence, autant au Canada qu'à l'étranger», a justifié le surintendant Sylvain Côté, responsable de la sécurité du gouverneur général. Même en vacances? «En tout temps.»

Ce dernier n'a toutefois pas voulu dire si Mme Jean, qui était toujours accompagnée d'au moins un garde du corps, avait fait l'objet de menaces précises. «On ne peut pas discuter de ça.»

La GRC ne lésinait pas sur les mesures de sécurité, allant jusqu'à envoyer des éclaireurs à chacune de ses destinations. «Il y a des gens qui se rendent sur place pour faire une évaluation des lieux qu'on va visiter, pour trouver la meilleure manière pour amener notre protégée d'une place à l'autre. Ça comprend une visite de l'hôtel et des lieux qu'on va visiter», a résumé le surintendant Côté.

Ces mesures s'appliquaient même pour les destinations voyages que fréquentait régulièrement Michaëlle Jean, comme la région du Poitou-Charentes, en France, où son conjoint a une résidence. «La pratique normale, c'est ça, oui», a confirmé le surintendant Côté.

Officiellement, la GRC analysait «au cas par cas» les voyages de Mme Jean pour voir si elle pouvait utiliser des vols commerciaux, comme le préconisent les directives gouvernementales. En entrevue, le surintendant Côté a toutefois reconnu que son personnel avait toujours opté pour l'utilisation des avions gouvernementaux.

Le Bureau du secrétaire du gouverneur général indique que les directives de sécurité n'ont pas changé depuis le départ de Michaëlle Jean et restent les mêmes pour le nouveau titulaire du poste, David Johnston.

Le gouvernement blâmé

L'opposition officielle n'a pas voulu critiquer l'ex-gouverneure générale, jetant plutôt le blâme sur les directives du gouvernement. «On ne veut pas accabler le gouverneur général. Les règles sont édictées par le gouvernement et la pression semble assez forte pour que le gouverneur général prenne les avions gouvernementaux», a indiqué le critique néo-démocrate au Conseil du Trésor, Alexandre Boulerice.

Celui-ci a néanmoins jugé justifié que Michaëlle Jean se déplace en avion gouvernemental. «C'est quand même le chef de l'État, est-ce qu'on voudrait que le gouverneur général voyage sur Air Transat? Est-ce suffisant pour la sécurité d'un chef d'État d'un pays du G8?»

Ironiquement, c'est sur les ailes d'Air Transat - en classe économique - que Michaëlle Jean s'est rendue hier à Port-au-Prince, où elle est envoyée spéciale de l'UNESCO pour Haïti. L'ex-gouverneure générale, qui n'est plus sous la protection de la GRC et n'est donc plus suivie par un garde du corps, a toutefois refusé de s'entretenir avec La Presse, invoquant son horaire chargé.

Estimant que Michaëlle Jean a «fait du bon travail» durant son mandat, le Parti libéral du Canada souligne que tous les membres du gouvernement qui voyagent «doivent utiliser leur jugement et ne pas faire de gaspillage», a indiqué Daniel Lauzon, attaché de presse du chef Bob Rae.

Sur son compte Twitter, le député libéral Denis Coderre a toutefois réclamé la tenue d'une enquête. «Si ce n'est pas un voyage officiel (ou royal...), ce n'est pas aux contribuables à payer pour ça. Le fédéral doit enquêter», a-t-il écrit hier matin. Et d'ajouter que «Mme Jean doit expliquer ses voyages. L'avion sert aux voyages officiels uniquement.» Denis Coderre n'a pas rappelé La Presse.

Le bureau du premier ministre n'a pas voulu réagir aux révélations de La Presse sur les voyages de la gouverneure générale.