Le premier ministre du Canada, Stephen Harper, a balayé du revers les préoccupations liées aux violations des droits humains au Honduras, annonçant vendredi qu'un accord de libre-échange avait été conclu entre les deux pays.

Comme il l'a fait lors d'une visite en Colombie plus tôt cette semaine, M. Harper a accusé les opposants à l'entente de s'exprimer au nom de leurs convictions protectionnistes bien plus qu'à la défense des droits humains.

«Les gens qui sont en faveur du protectionnisme ne sont pas, comme je l'ai déjà dit, motivés par des préoccupations en lien avec la pauvreté ou les droits humains. Ils veulent seulement protéger leurs propres intérêts», a-t-il déclaré.

«Les protectionnistes sont égoïstes, égocentriques et ils manquent de vision. Et ceux qui s'opposent à un accord de libre-échange entre le Canada et le Honduras se sont également opposés à des ententes semblables entre le Canada et tous les autres pays avec lesquels il a conclu des accords, y compris les États-Unis.»

L'annonce faite par M. Harper dans la ville industrielle de San Pedro Sula marque l'aboutissement de discussions menées par les deux pays depuis dix ans. L'accord implique des ententes parallèles sur les normes et pratiques du travail et sur la protection de l'environnement.

Selon M. Harper, cette entente constitue un «élément clé» visant à «ouvrir de nouveaux marchés pour les entreprises canadiennes», à «créer de nouvelles possibilités pour les travailleurs» et à «contribuer à la prospérité future du Canada».

Le gouvernement canadien estime que les secteurs de l'agriculture, des services professionnels, de la transformation des aliments à valeur ajoutée et des industries liées aux produits de base et aux ressources naturelles devraient bénéficier de l'accord.

M. Harper est le premier chef d'un gouvernement étranger à se rendre au Honduras depuis que le pays a été réadmis au sein de l'Organisation des États américains (OEA), plus tôt cette année.

En 2009, un coup d'État avait écarté le président Manuel Zelaya, qui dirigeait un gouvernement de gauche, ce qui avait incité l'OEA à exclure le Honduras. Par la suite, le Canada est devenu l'un des premiers pays à accorder une reconnaissance au nouveau gouvernement dirigé par un riche agriculteur, Porfirio Lobo Sosa, élu en novembre 2009.

Soutenu par le Canada et les États-Unis, le Honduras a été réadmis dans l'OEA il y a deux mois, après que M. Zelaya eut été autorisé à mettre fin à son exil et à regagner le pays qu'il a autrefois dirigé.

Depuis l'arrivée au pouvoir de Porfirio Lobo Sosa, le Canada a accéléré ses discussions avec le Honduras en faveur du libre-échange.

Des pourparlers menés depuis dix ans avec le Salvador, le Guatemala et le Nicaragua n'ont toujours pas mené à une entente concrète. Le Honduras devient donc le premier de ces quatre pays à conclure un accord avec le Canada.

Lors de l'annonce de MM. Harper et Lobo vendredi, un petit groupe de manifestants s'était réuni autour des grilles protégeant le centre des congrès. Ensemble, ils ont agité des affiches colorées et scandé des slogans en espagnol.

Karen Spring, une militante canadienne du groupe Rights Action qui s'est exprimé au nom des manifestants, a réfuté les arguments de M. Harper, qui soutient que l'augmentation des échanges commerciaux permettra à de nombreuses personnes de sortir de la pauvreté.

«C'est horrible pour les communautés qui sont malades en raison des produits chimiques qui sont utilisés dans les mines», a-t-elle déclaré aux journalistes à travers le grillage.

«La signature d'un accord de libre-échange facilitera l'implantation d'entreprises canadiennes au Honduras, et la situation ne fera que s'aggraver.»

«Il y aura plus de pauvreté, plus d'insécurité et plus de violation des droits humains», a résumé Mme Spring.

En réponse, M. Harper a déclaré qu'il ne détenait aucune preuve à l'effet que le gouvernement Lobo était responsable de ces abus.

«Nous savons qu'il y a d'importants problèmes de sécurité et de respect des droits humains au Honduras», a déclaré le premier ministre.

«Mais nous n'avons aucune information indiquant que ces violations sont commises par le gouvernement.»

Le Canada a été critiqué pour avoir courtisé le Honduras, un pays parmi les plus pauvres et les plus violents d'Amérique centrale. La Banque mondiale estime que 4,5 des quelque 8 millions d'habitants de ce pays vivent à la limite du seuil de pauvreté.

Le Honduras est également l'un des pays du monde qui connaît le plus haut taux de meurtres. En 2008, le Programme des Nations Unies pour le développement y a rapporté 4473 meurtres, l'équivalent de 12 par jour.

L'organisation de défense des droits de la personne Human Rights Watch affirme par ailleurs que huit journalistes et dix membres d'un mouvement politique s'étant opposés au coup d'État de 2009 ont été tués depuis que l'arrivée au pouvoir de M. Lobo.

Le président hondurien a mis sur pied une commission chargée d'étudier le coup d'État et ses conséquences.

Des entreprises minières canadiennes ont également été blâmées  pour les problèmes de santé dont souffrent les communautés autochtones du Honduras.

La visite de Stephen Harper au Honduras constituait la dernière étape du voyage en Amérique latine que le premier ministre a amorcé en début de semaine.

La valeur des échanges bilatéraux entre le Canada et le Honduras s'établissait à 192 millions $ en 2010.

Des responsables participent à des discussions à Ottawa et dans la capitale hondurienne, Tegucigalpa, depuis le mois de décembre.