La capacité du Canada de respecter ses obligations internationales pourrait être compromise si la Cour suprême maintenait une décision suspendant l'extradition d'Abdullah Khadr, soutient le gouvernement fédéral.

En demandant à la Cour suprême d'entendre l'affaire, Ottawa plaide que les autres instances se sont trompées en empêchant un terroriste «avoué» d'être jugé aux États-Unis.

Dans sa demande écrite d'autorisation d'appel, obtenue vendredi par La Presse Canadienne, Ottawa soutient que l'affaire soulève des questions d'importance nationale qui nécessitent que le plus haut tribunal du pays s'y intéresse.

Le gouvernement fédéral plaide que les principes fondamentaux de justice «ne devraient pas être utilisés pour imposer les détails techniques de notre code criminel à un partenaire étranger».

En entrevue, l'avocat de M. Khadr, Dennis Edney, a dit ne pas être surpris par le geste d'Ottawa. Selon lui, dès qu'il est question de la famille Khadr, le gouvernement conteste systématiquement les jugements «forts» de la Cour d'appel, pour ensuite perdre en Cour suprême.

En août dernier, le juge Christopher Speyer, de la Cour supérieure de l'Ontario, a estimé que les preuves étaient suffisantes pour extrader M. Khadr aux États-Unis, en raison de déclarations incriminantes faites par l'accusé à la Gendarmerie royale du Canada.

Le juge avait toutefois suspendu l'extradition, affirmant que les États-Unis avaient violé la justice fondamentale dans le cadre de leur implication dans les mauvais traitements subis par l'accusé lors de sa détention de 14 mois au Pakistan. L'envoyer au sud de la frontière ne servirait qu'à féliciter les Américains pour leur «grossière inconduite», disait le juge Speyer.

En mai dernier, la Cour d'appel de l'Ontario a maintenu le jugement de la Cour supérieure.

Dans son argumentation destinée à convaincre la Cour suprême de l'entendre, le gouvernement fédéral affirme que le juge Speyer n'avait pas mesuré tout l'impact de la suspension de l'extradition de l'accusé.

En octobre 2004, les États-Unis avaient versé 500 000 $ à des agents de renseignement pakistanais pour capturer M. Khadr. Celui-ci avait ensuite été privé de son droit aux services consulaires, et avait été battu. Il a finalement admis avoir fourni des armes à Al-Qaïda.

Abdullah Khadr est le fils aîné d'Ahmad Saïd Khadr, un proche d'Oussama ben Laden tué en Afghanistan. C'est aussi le frère d'Omar Khadr, détenu à la prison américaine de Guantanamo Bay après avoir plaidé coupable à une accusation de meurtre d'un soldat américain en Afghanistan.