Depuis 10 ans, Ottawa a vu partir à la retraite 65 988 fonctionnaires. Comme ces départs vont en augmentant ces années-ci, il n'est pas impossible que les sacrifices exigés des différents ministères et organismes fédéraux dans le dernier budget Flaherty fassent un peu moins mal que prévu.

Selon ces données obtenues par La Presse à la suite d'une demande d'accès à l'information, c'est l'Agence de revenu du Canada (ARC) qui a vu partir le plus de personnes, soit 9836. La chose ne devrait pas étonner puisque c'est aussi ce service qui en emploie le plus, à savoir  42 140 à l'heure actuelle.

L'ARC est suivie du ministère de la Défense et des Forces armées canadiennes, dont 5987 employés ont pris leur retraite depuis 2001. Le ministère des Ressources humaines arrive au troisième rang, avec 5289 départs.

Comme il n'y a plus de programme d'encouragement à la retraite anticipée depuis 1999, aucun de ces employés n'a reçu d'indemnité particulière.

Le nombre de départs à la retraite croît à une vitesse fulgurante. Ainsi, en 2001, 468 employés de l'Agence du revenu du Canada ont pris leur retraite. Dix ans plus tard, ils ont été 1273 à faire le grand saut.

À cela s'ajoutent les gens qui sont partis pour d'autres raisons que la retraite, parce qu'ils ont démissionné ou ont été congédiés. Dans la dernière année, en plus de ses 9836 retraités, l'Agence de revenu du Canada, à elle seule, a en effet vu 4223 personnes partir pour une autre raison.

Tous ces départs font espérer à l'Association canadienne des employés professionnels (qui représente 14 000 fonctionnaires) que le dernier budget Flaherty soit moins douloureux que prévu. Dans ce budget, Ottawa oblige tous les ministères à procéder à des compressions substantielles, «alors qu'on est déjà pas mal rendu à l'os», dit Claude Danik, directeur général des politiques.

«Le son de cloche que nous avons après discussion auprès de divers ministères nous permet d'espérer que beaucoup des coupes demandées seront couvertes par des départs volontaires, à la retraite ou autres, poursuit M. Danik. Nous n'en sommes cependant qu'au début du processus, et tout reste à voir.»

À ceux qui prétendent encore qu'il y a beaucoup trop de fonctionnaires, M. Danik rétorque que c'est tout le contraire. «On a beau être un syndicat, ça ne nous empêche pas d'avoir une certaine sympathie pour tous ces gestionnaires de qui l'on exige la même prestation de service, mais avec des ressources nettement réduites.»

C'est aussi ce que souligne Nicholas Galletti, directeur des communications à l'Alliance de la fonction publique. Dans certains domaines, les départs et les coupes ont des effets majeurs. «Par exemple, cela fait trois ans que l'on demande d'augmenter le nombre d'inspecteurs des aliments. Il y a de grands manques dans les endroits où la nourriture est produite - les abattoirs, par exemple - et en ce qui a trait à l'importation de nourriture.»

De plus, ceux qui restent se retrouvent avec des tâches nettement plus lourdes, ce qui augmente notablement le stress et les problèmes de santé mentale, dit M. Galletti.

Pour ce qui est des compressions appréhendées à la suite du dernier budget, l'Alliance continue de s'en préoccuper, notamment parce qu'il n'est pas dit qu'elles viseront les services où plusieurs employés prendront leur retraite.

«On estime en général que 3% des fonctionnaires fédéraux prendront leur retraite annuellement. On est loin des 11 000 personnes qui, à en croire le budget Flaherty, risquent de perdre leur emploi.»

- Avec William Leclerc