Parce que d'autres procès d'organisations criminelles doivent commencer en septembre, il y a urgence à adopter la loi sur les mégaprocès, est venu dire à Ottawa l'ex-ministre de la Sécurité publique du Québec, Jacques Dupuis.

Et cela, afin qu'elle puisse encadrer dès maintenant tous les futurs mégaprocès, notamment la suite des procédures judiciaires ayant résulté de l'opération policière SharQc.

M. Dupuis, qui a débuté sa carrière comme avocat de la défense, est venu témoigner à titre personnel devant un comité du Sénat qui l'avait invité jeudi. Il a souligné à grands traits qu'il ne représentait pas le gouvernement du Québec, se décrivant comme «un citoyen intéressé par la lutte au crime organisé».

La Chambre haute se penche actuellement sur le projet de loi C-2, qui vise à simplifier, mais surtout, à accélérer les mégaprocès.

Cette loi pourrait éviter que les procédures judiciaires ne traînent en longueur et ne mènent à la libération de motards, comme cela a été le cas avec l'abandon récent des procédures contre 31 présumés Hells Angels, accusés notamment de gangstérisme, estime M. Dupuis.

Cette loi est devenue nécessaire parce que les enquêtes policières sont de plus en plus complexes, et peuvent durer des années, a-t-il fait valoir.

«Et c'est le cas parce que les criminels se sont organisés de plus en plus et ont bâti des organisations qu'ils veulent secrètes», a expliqué l'ex-ministre du gouvernement libéral de Jean Charest qui, outre la Sécurité publique, a aussi eu la responsabilité du ministère de la Justice.

Il a également rappelé que l'importante opération policière «Printemps 2001» - qui avait permis de démanteler des groupes de motards -avait accusé d'importants retards parce que le juge Jean-Guy Boilard avait dû se retirer après quatre mois d'audience. Tout le procès avait dû recommencer à zéro, ce qui pourrait peut-être être évité avec la nouvelle loi.

«Si C-2 avait été en application, et que les avocats avaient voulu faire des requêtes, le juge du procès aurait dit: «non, ça a été décidé par le juge Boilard»'.

«Moins quatre mois!», a insisté M. Dupuis.

Et pour être bien sûr que la loi puisse s'appliquer aux mégaprocès prévus en septembre, l'ex-ministre a suggéré aux sénateurs d'amender C-2 pour spécifier qu'il ne vise que la procédure - et non le fond des procès - et qu'à ce titre, il peut entrer en vigueur immédiatement.

Affirmant savoir d'avance que son amendement ne serait probablement pas accepté, M. Dupuis s'est fait rappeler par un sénateur que si le projet devait être modifié, il ne pourrait être adopté avant septembre, venant ainsi contrecarrer son souhait de le voir devenir loi immédiatement.

Mais C-2 n'est pas une panacée, a admis l'ex-ministre.

Des sénateurs avaient ainsi fait valoir à M. Dupuis que même avec le projet de loi sur les mégaprocès, les procédures risquent de s'éterniser, vu le manque de juges et de salles de procès.

«Tout n'est pas parfait», reconnaît l'ex-ministre libéral. «Mais je ne doute pas que C-2 va améliorer la situation».

«C'est un élément important de la maison qu'on est en train de construire pour lutter contre le crime organisé», a-t-il ajouté.

Si tous les sénateurs consentent à adopter C-2 par la voie accélérée, le processus législatif pourrait être complété dès jeudi.

Parce qu'il faisait de façon générale consensus au sein des partis politiques à Ottawa, les députés aux Communes ont aussi dérogé à la procédure habituelle pour accélérer l'étude du projet.

Lorsqu'il était encore ministre, Jacques Dupuis était venu à Ottawa en 2010 pour plaider en faveur du maintien du registre des armes de chasse, alors menacé d'abolition par les conservateurs.

À quelques mois de son démantèlement par le gouvernement désormais majoritaire de Stephen Harper, M. Dupuis a indiqué que son opinion à ce sujet n'a pas changé.

«Enregistrer une arme à feu par rapport à peut-être sauver une vie, je me dis qu'on devrait le maintenir», conclut-il encore aujourd'hui.