Le ministre de la Justice du Québec, Jean-Marc Fournier, s'est rendu à Ottawa mardi afin de convaincre la chef du Parti vert de permettre l'adoption rapide du projet de loi fédéral sur les superprocès.

Le ministre Fournier est cependant reparti bredouille, puisque Elizabeth May insiste toujours pour qu'une étude plus en profondeur du projet de loi ait lieu.

Un soutien unanime aux Communes est nécessaire pour sauter des étapes et mettre l'adoption d'un projet de loi sur la voie rapide. Lundi, Mme May a été la seule députée à s'y opposer publiquement, bloquant ainsi cette possibilité.

Les conservateurs comptaient sur l'appui de tous les partis d'opposition pour que ce projet de loi, qui vise à faciliter et à accélérer la tenue des superprocès, soit adopté avant la fin de la présente session parlementaire, soit d'ici deux semaines.

Le ministre fédéral de la Justice, Rob Nicholson, a déposé son projet lundi après-midi à Ottawa, dans la foulée de la libération avant procès de 31 membres présumés des Hells Angels, ce qui avait choqué la population. Un juge avait déterminé, le mois dernier à Montréal, que les procédures contre eux seraient trop longues.

Mais le gouvernement avait déjà déposé un projet de loi similaire en novembre dernier, mort au feuilleton avec le déclenchement des élections.

C'est pourquoi Mme May ne voit pas l'urgence de le faire adopter soudainement en quatrième vitesse.

«C'est inacceptable de passer un projet de loi sans une seule journée de témoignage, sans une seule journée d'étude», a fait valoir la chef du Parti vert.

«Je ne suis pas contre la loi, je suis contre un processus sans étude», a-t-elle précisé.

Elle affirme avoir discuté du projet de M. Nicholson avec un avocat qui y a trouvé quelques petits os. Des changements devraient probablement être apportés pour l'améliorer, croit-elle.

Mais tout en refusant la voie la plus rapide, Elizabeth May croit qu'il est possible d'entendre des témoins et des experts, et aussi d'adopter le projet d'ici la fin juin. De telles audiences rapides ont déjà été faites dans le passé, a-t-elle fait remarquer.

Le chef intérimaire du Parti libéral, Bob Rae, est d'accord avec cette façon de faire, malgré les délais serrés.

«Tout est faisable», a-t-il laissé tomber mardi.

Reste à voir si l'agenda chargé des parlementaires leur permettra d'entendre des témoins alors qu'ils siègent pour un maximum de sept jours d'ici la pause estivale.

Malgré l'insistance de Mme May pour un processus d'étude plus complet, Jean-Marc Fournier n'y voit pas un échec de sa rencontre.

«Je suis venu lui expliquer l'importance du projet. Elle le comprend. (...) Elle est d'accord pour que ce soit adopté avant que la session soit levée. Elle souhaite avoir des auditions très, très rapides. Alors, moi rendu là, je laisse ça aux parlementaires», a-t-il expliqué, en entrevue avec La Presse Canadienne.

«S'ils ont besoin d'une soirée, ils peuvent bien prendre une soirée pour faire des auditions et entendre quelques témoins et procéder», a-t-il ajouté.

Quant au Bloc québécois, il est d'accord avec le processus accéléré proposé par le gouvernement.

«On a des superprocès en cours. On va en avoir d'autres. Il faut qu'on ait des outils pour ne pas que l'argent que l'on met dans les opérations policières pour arrêter ces gens-là ne se retrouve perdu parce que l'on n'a pas les moyens de notre justice», a fait valoir mardi la députée bloquiste Maria Mourani.

Les superprocès impliquent de nombreux accusés et de multiples chefs d'accusation, ce qui entraîne plusieurs obstacles, dont des audiences prolongées.

La proposition de M. Nicholson prévoit entre autres la nomination d'un juge pour gérer ces dossiers complexes et volumineux. Le magistrat entendrait les motions préalables au procès pour les groupes de personnes accusées, aiderait à réduire les listes de témoins et imposerait des délais aux avocats de la Couronne et de la défense.