Le gouvernement Harper et les principaux partis de l'opposition comptaient adopter à toute vapeur un projet de loi pour simplifier et accélérer la tenue des superprocès après l'avortement du procès de 31 membres ou sympathisants des Hells Angels, il y a deux semaines.

Or, la chef du Parti vert, Elizabeth May, a fait savoir hier soir qu'elle prévoit priver les conservateurs du soutien unanime nécessaire pour l'adoption rapide de la loi.

Seule députée à s'opposer pour l'instant, Mme May a soutenu que le projet de loi méritait d'être examiné en profondeur.

«Ces changements fondamentaux au Code criminel, qui pourraient nuire à certains principes de justice que je juge fondamentaux, méritent à mon avis de plus amples réflexions», a-t-elle lancé, avant d'ajouter que les conservateurs ne lui avaient jamais demandé son soutien.

Craignant que la libération de 31 membres ou sympathisants des Hells Angels n'ébranle la confiance de la population envers le système judiciaire, le ministre de la Justice, Rob Nicholson, a redéposé hier aux Communes le projet de loi sur les superprocès qu'il avait présenté en novembre dernier, qui n'a pu être adopté avant les élections du 2 mai.

Il y propose une série de mesures visant à assurer une meilleure gestion des superprocès. Ces procès particuliers exigent beaucoup de temps des tribunaux étant donné la complexité des preuves, les nombreuses accusations et la longue liste de témoins qui doivent être entendus.

Un juge pour filtrer les dossiers

La Loi sur la tenue de procès criminels équitables et efficaces permettra la nomination d'un juge pour filtrer les dossiers complexes et volumineux et imposer des échéances aux parties.

Ce juge pourrait aussi garantir que la preuve sur le fond est présentée sans interruption. Il pourrait également aider les parties à circonscrire les questions en litige et à choisir les témoins qui doivent être entendus.

Le projet de loi C-53 permettrait aussi la nomination de 14 jurés, soit 4 de plus que le minimum prescrit par le Code criminel pour le prononcé d'un verdict valide. Cela éviterait les retards si un des jurés doit être libéré en cours de procès.

Il y a deux semaines, le juge James Brunton, de la Cour supérieure, a causé une certaine commotion au Québec en ordonnant l'arrêt du processus judiciaire contre 31 membres ou sympathisants des Hells Angels. Le juge a accepté les arguments des avocats de la défense selon lesquels la complexité du procès et l'ampleur de la preuve engendreraient des délais déraisonnables pour les accusés.

Selon certains experts, les règles proposées auraient permis d'éviter l'avortement du procès si elles avaient été adoptées l'automne dernier.

Le NPD, qui forme l'opposition officielle, et le Parti libéral sont prêts à donner leur consentement à l'adoption du projet de loi avant la fin de la session parlementaire, prévue le 23 juin, quitte à sauter l'étape de son étude en comité.

En conférence de presse, hier, le ministre Nicholson a soutenu que les tribunaux ont besoin de nouveaux outils pour mener à bien des procès complexes comme les superprocès.

«Au cours des dernières années, nous avons constaté des délais dans les poursuites des membres du crime organisé et nous avons vu à quel point ces procès sont devenus plus longs, plus complexes et plus coûteux. Ces longs délais ébranlent la confiance des Canadiens envers notre système de justice lorsqu'ils s'étirent des mois, voire des années, à un prix élevé et sans garantie de trancher la question de culpabilité ou de l'innocence des personnes en cause», a pour sa part affirmé le ministre des Anciens Combattants, Steven Blaney, qui accompagnait M. Nicholson.

Le critique néo-démocrate en matière de justice, Joe Comartin, s'est dit satisfait de voir le gouvernement Harper agir dans ce dossier. C'est d'ailleurs lui qui a tendu une perche au ministre Nicholson la semaine dernière pour faire adopter rapidement le projet de loi.

M. Comartin a soutenu qu'il y a urgence d'agir puisque d'autres superprocès en cours dans d'autres provinces pourraient également avorter pour les mêmes raisons.

«Il y a une crise à l'heure actuelle et il faut s'assurer que ce qui s'est passé dans le cas des 31 accusés ne se reproduise pas ailleurs», a dit M. Comartin.

- Avec La Presse Canadienne