Le congrès du Parti conservateur est la scène d'une lutte entre deux camps qui cherchent à prendre le contrôle de la formation politique.

Les délégués québécois se réjouissaient vendredi de la défaite, en atelier, d'une première résolution qui vise à revoir le poids de chaque association de comté selon son nombre de membres - ce qui diminuerait le poids des circonscriptions du Québec qui comptent actuellement peu de militants.

Mais celui qui parraine une résolution semblable avait une autre corde à son arc pour mener à terme son projet.

Le député ontarien Scott Reid a obtenu les 100 signatures nécessaires pour contourner le débat en atelier et soumettre sa résolution directement au vote en plénière devant tous les délégués. Il a entamé sa campagne pour cette résolution depuis des semaines et ses alliés étaient très actifs dans les couloirs du centre des congrès d'Ottawa.

De leur côté, les délégués québécois se sont rencontrés jeudi pour peaufiner leur stratégie visant à maintenir le statu quo, et à rejeter toute résolution qui diluerait le pouvoir du Québec au sein du Parti conservateur.

«C'est unanime au Québec», a indiqué Gilles Lavoie, délégué de Jonquière-Alma et candidat au conseil exécutif du parti.

M. Lavoie croit que les Québécois peuvent compter sur l'appui des délégués des Maritimes et des territoires qui se retrouveraient aussi désavantagés si la résolution de M. Reid était adoptée. M. Lavoie rapporte même quelques appuis de certaines associations de comtés ontariens.

Dans le camp adverse qui supporte la «formule Reid», se trouve aussi le ministre de l'Immigration, Jason Kenney.

Il croit que cette règle, qui donnerait plus de poids aux circonscriptions qui comptent plus de membres, inciterait les associations conservatrices à redoubler d'efforts pour recruter.

Il rejette les inquiétudes des délégués québécois qui craignent se retrouver avec moins de poids au sein du parti.

«Pour avoir leur poids maximal, les circonscriptions doivent attirer 400 membres. Tout le monde peut faire cela», a expliqué vendredi M. Kenney.

«Les règles actuelles ne font rien pour créer des incitatifs, pour attirer davantage de membres, pour la croissance des associations», a-t-il ajouté.

Mais de nombreux militants du Québec, comme l'ex-ministre Jean-Pierre Blackburn, sont en complet désaccord avec cette position et croient même qu'un changement des règles aura l'effet inverse.

«Ça dévalorise, ça donne moins d'incitatifs à participer», estime-t-il.

Et comme la formule Reid permettrait à un futur chef de remporter une course au leadership avec l'appui de seulement certaines régions si elles sont riches en délégués, il croit qu'elle est nuisible.

Sans compter que d'accorder un poids égal pour les circonscriptions qui votent pour un chef a des conséquences au-delà de son élection, a relevé M. Blackburn.

«Ça incite un chef, dans son analyse et sa vue à l'égard de ce qu'il veut faire au Canada, de tenir compte de toutes les régions du pays».

Il admet cependant que son camp a du rattrapage à faire s'il veut contrer la manoeuvre du député Reid.

Pour d'autres militants du Québec, le débat sur ces règles est important au point de les avoir incités à se déplacer à Ottawa pour participer au vote. C'est le cas de Jean-Maurice Matte, délégué de l'Abitibi-Baie-James-Nunavik-Eeyou.

Il croit de plus que le moment est mal choisi pour tenir ce débat, qui oppose selon lui le Québec à l'Ouest canadien.

«Ce n'est pas le moment de confronter ces positions à ce moment-ci quand on vient d'avoir un gouvernement majoritaire», note-il, en plus du fait que le Québec a connu de mauvais résultats lors de la récente élection.

L'enjeu en est un de pouvoir: les deux camps placent leurs pions en choisissant des règles qui les favoriseraient lors d'une prochaine course au leadership, mais aussi pour l'orientation qui sera donnée au parti.