Frustrés par le manque de soutien des autorités, certains membres du Parti conservateur de la province de Québec ont pris l'initiative d'organiser leur propre réunion, mercredi soir à Montréal, en marge du Congrès national du parti qui doit avoir lieu la semaine prochaine.



Les conservateurs souhaitent discuter des mesures à adopter pour sauver le Parti conservateur canadien (PCC) dans la province.

En entrevue à La Presse Canadienne, des membres du PCC au Québec ont admis s'être sentis abandonnés lors de la dernière campagne électorale fédérale, qui a mené à l'élection d'un gouvernement conservateur majoritaire, le 2 mai dernier.

«Tous ceux qui ont travaillé pendant la campagne sont profondément excédés, fâchés que la campagne ait été aussi désastreuse», a déclaré le président de l'Association du Parti conservateur de Brome-Missisquoi, Peter White.

«Nous aurions pu en faire beaucoup plus. Quand on travaille aussi fort pendant 30 jours et qu'on obtient les résultats qu'on a eus sans bénéficier du soutien de personne, on a envie de dire au parti d'aller au diable (to hell with them).»

À l'issue des dernières élections fédérales, le nombre d'élus conservateurs dans la province de Québec a été réduit de moitié, pour tomber à cinq.

Les candidats et les élus de Québec dénoncent l'absence de soutien de leur parti, qui ne leur a pas fourni le matériel de base nécessaire à la campagne électorale, à commencer par des documents imprimés pour présenter leur plateforme et des biographies diffusées sur le site Web du PCC.

Dans les mots de Peter White, il n'y a tout simplement «pas eu de campagne au Québec».

Audrey Castonguay, qui s'est présentée pour le parti en 2006, puis en 2011 dans la circonscription de Hochelaga, à Montréal, a remarqué d'importantes différences entre les deux campagnes, desquelles elle est sortie vaincue.

«En 2006, il y avait une structure de campagne à Montréal, avec un bureau de campagne, du »quick response« et une plénière quotidienne.»

«Cette année, nuance-t-elle, tout s'est fait par téléphone. S'il y avait des débats dans les comtés, on nous disait »Arrangez-vous, prenez le programme et arrangez-vous«.»

Un autre conservateur a expliqué qu'après la fuite à propos du rapport de la vérificatrice générale sur le G8, les candidats ont dû attendre une journée complète avant d'être informés de la manière de répondre aux questions à ce sujet.

Mme Castonguay et d'autres candidats ont souligné que les affiches électorales avaient pris une semaine avant d'arriver à Montréal, tandis que les visages des candidats néo-démocrates étaient déjà bien en vue. Le slogan «Ma région au pouvoir» n'a pas non plus été adapté à la métropole, et il est tombé à plat.

Les conservateurs de Québec déplorent qu'aucun post-mortem n'ait été fait après la campagne. Audrey Castonguay a dû se contenter d'un courriel envoyé par un organisateur de campagne de la ville de Québec qu'elle n'avait jamais rencontré. Il la remerciait de s'être présenté pour le PCC.

«Avec Christian Paradis, on s'est doté d'un lieutenant politique. Mais on ne l'a pas vu ou entendu souvent s'exprimer à propos de l'organisation et des candidats, pendant la campagne et après», s'est désolée la candidate.

«Oui, on est majoritaires, mais ce n'est pas grâce au Québec. Qu'est-ce qui va arriver maintenant? C'est le silence radio depuis la fin de la campagne.»

Le bureau de Christian Paradis n'a pas répondu à une requête visant à obtenir une réaction.

Maurice Brossard, candidat dans Brossard-La Prairie et organisateur sur la Rive-Sud de Montréal, associe plutôt les résultats de l'élection à une série de facteurs allant du leadership au marketing.

Il soutient que les Québécois se méfient de Stephen Harper et que celui-ci devra travailler sur son image. Selon M. Brossard, l'image de Jack Layton a captivé les Québécois, surtout dans les derniers dix jours de la campagne, où les leaders et leurs personnalités ont accaparé le débat.

Jean-Marie Girard, président de l'Association du Parti conservateur de Beauport-Limoilou, voit les choses d'un autre oeil. Il se dit satisfait du message de M. Harper dans son secteur et a obtenu ses affiches électorales sans problème. Il admet toutefois que les candidats se sont sentis un peu abandonnés.

«Maxime Bernier est venu faire un petit tour. Mais au Québec, les gens ont été un peu abandonnés, laissés à leur sort», admet-il.

M. Girard et d'autres candidats ont souligné le succès du passage de Jack Layton à l'émission Tout le monde en parle. L'animateur Guy A. Lepage avait diffusé un commentaire sur Twitter à l'effet que l'équipe de Stephen Harper ne répondait pas aux demandes d'entrevue de son équipe.

Plus récemment, Jack Layton a rendu visite aux victimes des inondations en Montérégie, tandis que Stephen Harper a choisi de visiter des zones ravagées par les feux de forêt en Alberta et au Manitoba.

Audrey Castonguay se dit choquée de l'absence de Stephen Harper en Montérégie.

«Jack Layton et Jean Charest se sont rendus sur les lieux. Stephen Harper, lui, n'a pas daigné venir à St-Jean. Il a préféré faire un détour en Grèce, aux frais des contribuables, pour aller visiter le village de Dimitri (Soudas). Ça envoie un drôle de message.»

À l'approche du congrès du PCC, Peter White craint l'absence des conservateurs québécois. Dans la province, la rumeur veut qu'à peine une centaine de membres se soient inscrits à la rencontre.

Un autre candidat conservateur, qui a parlé sous le couvert de l'anonymat, perçoit beaucoup de frustration dans le faible taux d'inscription au congrès du PCC.

«La dernière campagne était vide, et rien n'a été fait en termes d'organisation. On n'a pas encouragé la participation de ses membres», s'est-il désolé.

«Et même si Christian Paradis a fait un travail désastreux, il a été reconduit à ses fonctions au lendemain de l'élection. Les gens choisissent de rester à la maison, parce que la situation tourne en rond.»

Peter White abonde en ce sens, soulignant la frustration des membres, qui considèrent que le Parti conservateur leur a manqué de respect.

«Ils (les membres du PCC à l'extérieur du Québec) ne veulent pas de notre participation, ils ne veulent pas nous côtoyer. Nous resterons à la maison.»