Même s'il a déjà encaissé une réprimande des députés de l'Assemblée nationale avant même sa rentrée parlementaire en tant que chef de l'opposition officielle, Jack Layton assure qu'il ne s'agit pas d'un mauvais départ dans ses relations avec la province de Québec.

Et il n'anticipe pas non plus de friction sur les autres dossiers chauds où il a déjà adopté des positions contraires à celles de l'Assemblée nationale -comme celui du Bas-Churchill- parce que 40% des Québécois ont approuvé ses politiques en votant pour lui, a-t-il expliqué en entrevue avec La Presse Canadienne.

Ce sont ses tergiversations, voire son recul, sur le seuil de votes requis pour un référendum sur la souveraineté qui lui ont valu ce rappel à l'ordre du Québec cette semaine.

Mais ce que d'autres ont qualifié de contradiction ne démontre absolument pas qu'il est tiraillé entre les intérêts du Québec et ceux du Canada, a-t-il affirmé au cours de l'entrevue.

M. Layton a été dans l'eau chaude pour avoir soigneusement évité de dire en point de presse qu'une majorité simple (50% + 1) serait suffisante pour reconnaître un résultat référendaire.

Il disait plutôt s'en remettre au cadre établi par la Cour suprême qui suggérait plutôt une «majorité claire».

Tous les députés de l'Assemblée nationale, même les fédéralistes, avaient promptement dénoncé cette position.

Après ce tollé, M. Layton s'est ravisé et a confirmé le lendemain que le 50 + 1 est bel et bien la position du parti, qui précise de surcroît le jugement de la Cour suprême.

Il refuse de voir dans cet incident la preuve qu'il essaie de ne pas s'aliéner les autres provinces qui pourraient craindre qu'il ne donne une trop grande place au Québec.

Pour mettre fin au malaise, le chef du NPD a déclaré en entrevue avoir été mal compris par les députés de l'Assemblée nationale.

«Mes mots étaient clairs», estime M. Layton.

«Malheureusement, ils (les députés ) ont lu les manchettes au lieu de lire mes propres mots», a-t-il fourni en guise d'explication.

«Mais on va établir des façons de communiquer directement avec nos amis à l'Assemblée nationale pour qu'ils puissent être assurés que notre position est claire», a affirmé le chef néo-démocrate durant l'entrevue.

La situation est délicate pour lui.

Déjà au lendemain de l'élection, de nombreux commentateurs ont fait remarquer qu'il sera difficile pour le chef de maintenir l'équilibre entre la nature nationale du parti et le fait que la majorité de ses députés, soit 59, proviennent du Québec.

Niant au début que son parti risquait d'être tiraillé entre des intérêts appelés à être divergents, M. Layton avait admis lors de l'émission télévisée Tout le monde en parle qu'il se «trouverait probablement assis sur une lame de rasoir».

Durant l'entrevue, il a laissé entendre que la composition de son parti sera l'occasion de défis, soulignant que le Canada est un pays complexe, avec son lot de problèmes difficiles.

«Maintenant que nous sommes un parti avec des députés de partout (...) qu'on a réalisé notre rêve d'avoir un parti pancanadien, alors maintenant nous aurons l'occasion de prendre notre place sur cette lame de rasoir», a-t-il dit en riant.

D'ailleurs, il risque de faire face bientôt à d'autres dossiers chauds comme l'aide financière fédérale pour le câble sous-marin de Terre-Neuve pour le projet hydro-électrique du Bas-Churchill. L'Assemblée nationale a adopté une motion unanime pour dénoncer les garanties de prêts d'Ottawa, qui font selon elle une concurrence illégale au Québec.

M. Layton s'est prononcé en faveur de l'aide fédérale. En campagne électorale, le chef néo-démocrate s'est dit confiant que les Québécois allaient juger ce soutien aux énergies vertes «raisonnables».

Se faisant rappeler que l'Assemblée nationale n'était certainement pas de cet avis, M. Layton croit que les Québécois ont accepté sa position.

«Je suis content avec le pourcentage de votes que nous avons reçu et notre position était très claire pour tous les Québécois», a-t-il rétorqué pour mettre un terme aux questions sur ce sujet.

Mais pour d'autres dossiers, le chef du NPD marchera main dans la main avec l'Assemblée nationale du Québec.

On pense notamment à son opposition à la création d'une commission des valeurs mobilières pancanadienne.

Ou encore à son intention ferme de faire pression sur le gouvernement du premier ministre Stephen Harper pour qu'il accorde plus de sièges au Québec lorsqu'il mettra à exécution son projet d'en distribuer une trentaine de plus à l'Alberta, à l'Ontario et à la Colombie-Britannique.

Là aussi une motion avait été adoptée en 2009 par l'Assemblée pour enjoindre Ottawa de ne pas affaiblir la représentation du Québec au Parlement fédéral.

«Le principe est qu'on ne veut pas que le poids actuel du Québec soit réduit», a déclaré M. Layton.

«C'est une des choses qu'on doit régler. Quand on parle des conditions gagnantes pour le Canada au Québec, c'est un exemple», a-t-il précisé.

M. Layton aura d'ailleurs l'occasion de préciser ses positions lors du Conseil général du NPD -section Québec- qui a lieu samedi. Il y dressera les grandes lignes de ce que le caucus québécois entend mettre de l'avant à Ottawa.

Quant à son plus grand défi pour la rentrée parlementaire du 2 juin, il s'agira d'être à la tête d'une équipe qui compte de nombreux nouveaux députés, a confié M. Layton.

Il ne craint cependant pas qu'ils se mettent les pieds dans les plats, ni qu'ils ne soient pas à la hauteur du travail qui les attend.

«Je veux m'assurer qu'ils soient confortables avec leur rôle ici à la Chambre», a-t-il précisé soulignant qu'un programme de mentorat a déjà été mis en place pour les aider.

Optimiste au lendemain des élections de pouvoir travailler avec M. Harper, M. Layton est déjà désenchanté. Notamment parce que son premier geste a été de nommer au Sénat des candidats conservateurs défaits lors des élections, comme l'ex-ministre Josée Verner.

Il s'est cependant déclaré satisfait du gouvernement qui prévoit inclure au prochain budget une compensation pour le Québec pour l'harmonisation de ses taxes de vente.

«Je crois qu'on aura un sac de bonnes et de mauvaises surprises», a-t-il commenté en riant.