Le plus important syndicat de fonctionnaires fédéraux note un inquiétant changement de discours du gouvernement Harper depuis qu'il détient une majorité, et s'attend au pire en matière de compressions.

En entrevue avec La Presse Canadienne, la vice-présidente nationale de l'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), Patty Ducharme, a souligné les propos du nouveau président du Conseil du trésor, Tony Clement.

«Avant les élections, les conservateurs ont promis de couper des postes par attrition - John Baird, par exemple, l'a dit clairement -, et maintenant, avec une majorité, le message a changé. Maintenant, Tony Clement promet des 'coupes profondes» pour éliminer le déficit, et il a aussi dit qu'il n'exclut pas la possibilité de «mettre la hache» dans les programmes, ce qui voudrait dire des mises à pied», a dit Mme Ducharme.

M. Clement affirme vouloir respecter l'objectif d'éliminer d'ici 2015-2016 le déficit fédéral -qui devrait s'élever à 29,6 milliards de dollars cette année- tel que l'a prévu son collègue des Finances, Jim Flaherty, dans son dernier budget.

Le ministre Clement a notamment fait part de son intention d'examiner les salaires versés par l'État, les dépenses de fonctionnement et les subventions, et a dit croire que certaines dépenses gouvernementales qui étaient justifiées il y a 20 ou 30 ans ne le sont peut-être plus aujourd'hui.

L'AFPC rétorque que 125 000 de ses 145 000 membres oeuvrant dans la fonction publique fédérale viennent tout juste de ratifier en décembre des conventions collectives négociées à l'automne.

«Rien n'a changé depuis ces négociations, sauf que le gouvernement conservateur est majoritaire, mais rien n'a changé au niveau économique au Canada», a fait valoir Mme Ducharme.

Le syndicat avertit que le dernier gouvernement qui a tenté de modifier des salaires négociés par voie législative, soit celui de la Colombie-Britannique, s'est fait rabrouer en Cour suprême et Mme Ducharme promet que l'Alliance ne s'en laissera pas davantage imposer.

«Nous allons nous préparer pour l'action, a-t-elle déclaré. Nous allons prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le respect des conventions collectives et équiper nos membres contre l'érosion de leurs droits.»

Des données gouvernementales indiquent que cinq ans après la prise du pouvoir par le Parti conservateur, la fonction publique fédérale a crû de 13% entre 2006 et 2010, passant de 278 729 à 315 145 employés.

Mme Ducharme soutient cependant que cette augmentation est normale.

«La population canadienne a aussi augmenté durant la même période. Il y a plus de monde au Canada qu'il y en avait il y a cinq ou dix ans», a-t-elle dit.

Elle affirme toutefois que le syndicat a signifié par lettre au ministre Clement qu'il est ouvert à la discussion sur la manière de réduire les dépenses, tout en rappelant que l'exercice est déjà bien amorcé.

«Le gouvernement doit parler avec nous et avec nos membres pour améliorer les services. Il a déjà beaucoup coupé avec sa révision de programmes durant les cinq dernières années», a-t-elle dit.

L'Alliance a néanmoins identifié ce qu'elle croit être une source d'économie potentielle, soit le recours aux agences privées d'aide temporaire. Selon le syndicat, les dépenses de cette nature ont triplé depuis une dizaine d'années pour atteindre quelque 6 milliards DE DOLLARS l'an dernier.