Reconstruire, renouveler, rebâtir: la traversée du désert s'annonce longue et ardue pour le Parti libéral du Canada, qui se remet difficilement de la défaite historique qu'il a subie au scrutin du 2 mai.



Dans une ambiance lourde et émotive, les députés libéraux réélus et déchus se sont rencontrés hier matin, à Ottawa, pour leur premier bilan.

Sous la direction de Michael Ignatieff, le Parti libéral (PLC) n'a réussi à conserver que 34 des 77 sièges qu'il avait remportés en 2008.

Le chef, qui a lui-même été battu dans sa circonscription, a démissionné le lendemain des élections. «Il y a un grand avenir pour le parti», a dit M. Ignatieff hier à son arrivée à la réunion, sans s'arrêter pour s'adresser aux médias. Quelques heures plus tard, il a souligné sa «gratitude» envers la population avant de quitter le parlement pour la dernière fois.

La mine longue, les candidats déchus, tout comme les députés réélus, ont dit vouloir travailler à la reconstruction de la formation, autrefois considérée comme le parti «habitué au pouvoir».

«On a mangé une volée. Il faut reconstruire de la base, a dit Pablo Rodriguez, qui a perdu son siège dans Honoré-Mercier. Il y a énormément de questions à se poser sur le parti, sa structure, son positionnement politique, sur tout.»

Figure montante du Parti libéral, Mark Holland, qui a échoué à se faire réélire, a promis de continuer à militer, voire de se présenter de nouveau dans quatre ans.

«Nous avons beaucoup de travail à faire. Ça va être intéressant de voir ce que nous, de l'extérieur, on peut faire», a renchéri, la gorge nouée, l'ex-candidate à la direction en 2006, Martha Hall Finlay, elle aussi battue.

Si tous concèdent qu'il y a beaucoup de travail à faire, la façon de procéder ne fait pas l'unanimité. Les règles énoncées par le conseil national du parti pour nommer un chef intérimaire n'ont pas réjoui tout le monde.

Intérim

Selon ces critères, le successeur temporaire de Michael Ignatieff devra être bilingue, renoncer à se porter candidat à la direction et s'abstenir de discuter d'une éventuelle fusion avec le NPD. «On dirait que le parti cherche à dicter au caucus ce qu'il doit faire», a dénoncé Carolyn Bennett, qui a été réélue.

Certains libéraux, selon elle, commencent même à réclamer le départ du président du parti, Alfred Apps, jugeant que Michael Ignatieff ne devrait pas assumer seul la responsabilité de la déconfiture électorale.

En fin de journée, M. Apps a tenu à expliquer que l'établissement de règles pour la nomination d'un chef intérimaire était conforme à la constitution du parti.

Les députés réélus, qui se sont rencontrés en après-midi, ne se sont d'ailleurs pas entendus quant aux modalités de la succession, estimant qu'ils «ont le temps» de bien faire le travail.

Pour le coloré Denis Coderre, réélu dans Bourassa, les querelles intestines ont assez duré. «Ceux qui ont de l'ambition, qu'ils mettent leur ambition au niveau du parti pour l'instant», a-t-il dit. Il n'exclut pas de se porter candidat dans deux ans, à la prochaine course à la direction.

Entre-temps, son choix pour assurer l'intérim est clair: l'ancien candidat à la direction, Bob Rae. Le principal intéressé, que plusieurs voient à la tête du parti à court ou à long terme, a dit vouloir prendre le temps d'écouter ses collègues avant de prendre une décision.

«Il n'y a pas de messie. Il y a tout un travail à faire pour renouveler le parti. Ce sera une tâche difficile, importante, mais pas impossible», a conclu M. Rae.