Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD) Jack Layton a reconnu qu'il était probablement assis «sur une lame de rasoir» avec un caucus élu principalement au Québec alors qu'il dirige un parti national, lors de l'émission télévisée Tout le monde en parle.

Avec plus de la moitié des députés néo-démocrates élus au Québec, soit 58 sur 102, les craintes de favoritisme envers cette province ont surgi dans le reste du pays au lendemain de l'élection fédérale.

D'autres ont avancé que les Québécois vont exiger d'avoir une voix prépondérante au sein du caucus, autant de maux de tête qui attendent le chef qui va bientôt devoir composer son cabinet fantôme.

Se faisant demander par l'animateur de l'émission dominicale de Radio-Canada, Guy A. Lepage, si le NPD allait ainsi défendre d'abord et avant tout les intérêts des Québécois puisque c'est grâce à eux que son parti a été propulsé au statut d'opposition officielle le 2 mai, M. Layton a d'abord eu une réponse plus convenue.

«C'est une occasion en or. Je le dis depuis le début. On veut créer les 'conditions gagnantes pour le Canada au Québec»', a-t-il répondu en reprenant un objectif-clé déjà utilisé en campagne électorale pour séduire les Québécois.

«Et nous avons maintenant la possibilité de le faire», a ajouté le chef.

Selon lui, les citoyens hors Québec célèbrent également l'élection d'un aussi grand nombre de députés néo-démocrates québécois, soulignant que la porte est ainsi ouverte pour une grande conversation.

Mais cette situation pourrait-elle néanmoins lui nuire dans le reste du Canada?

«Non», a répondu le chef néo-démocrate avec assurance.

«Il y a 20 ans, probablement», a-t-il concédé. «Mais il y a eu des changements très importants au Québec et hors du Québec», a-t-il ajouté, sans toutefois les énumérer.

Insatisfait de la réponse, le co-animateur Dany Turcotte est revenu à la charge auprès du chef néo-démocrate, lui demandant s'il n'était pas assis sur une lame de rasoir.

«Oui, probablement», a-t-il admis, mal à l'aise, en prenant une gorgée de champagne.

«Mais pour le moment je suis très confortable», a-t-il aussitôt rajouté avec un grand sourire, déclenchant les rires et les applaudissements de l'audience.

Sur le déroulement de son caucus fraîchement élu, M. Layton a indiqué qu'il venait de tenir une réunion, lors de laquelle 75 pour cent des discussions se sont déroulées en français.

Il a dit être conscient que les Québécois allaient le regarder de près pendant les quatre prochaines années et qu'il serait sûrement blâmé pour certains échecs à Ottawa.

Mais refusant de se laisser démonter, il a répété que la présence majeure de son parti à la Chambre des communes est une occasion unique non seulement pour le Canada mais aussi pour le Québec.

Questionné à savoir ce qu'il allait réellement pouvoir accomplir face à un gouvernement majoritaire conservateur qui peut imposer ce qu'il veut, Jack Layton a dit compter sur la force de l'opinion publique.

«On ramasse les appuis de la population jusqu'à ce que le gouvernement doive le faire», a-t-il expliqué.

Il espère néanmoins que Stephen Harper sera à l'écoute des Québécois. Les conservateurs n'ont réussi qu'à faire élire six députés au Québec et la victoire de l'un d'entre eux fait actuellement l'objet d'un dépouillement judiciaire.

Jack Layton s'est aussi défendu d'être responsable de la débandade du Bloc québécois.

«Ce sont les Québécois qui ont choisi», a-t-il répondu, tout en réitérant son admiration pour Gilles Duceppe et son équipe.

Lors de l'entrevue, le chef néo-démocrate n'a pu éviter de parler de la nouvelle députée de Berthier-Maskinongé, Ruth Ellen Brosseau. Celle-ci s'est retrouvée sous les projecteurs pour avoir été élue sans avoir mis les pieds dans sa circonscription, pour son unilinguisme anglais et pour s'être trouvée à Las Vegas pendant la campagne électorale.

«Elle est là», a indiqué le chef au sujet de sa députée, introuvable dans les jours qui ont suivi l'élection, un fait qui a donné lieu à de nombreuses blagues.

«Elle a pris la décision d'être bien préparée pour ses réunions de députés», a-t-il lancé en guise d'explication pour son absence. M. Layton a convenu que la situation avait été difficile pour elle, mais qu'elle allait «faire la job» et perfectionner rapidement son français.

Devant défendre à nouveau la jeunesse de son équipe - qui compte plusieurs étudiants - il a répliqué que les Québécois ont décidé qu'ils voulaient du changement et que la diversité de ses troupes va y participer.

Il estime de plus que cela va faire taire tous ceux qui disent que les jeunes ne s'intéressent pas à la politique.

Jack Layton a aussi attribué le début de la vague orange au Québec à sa participation à l'émission Tout le monde en parle en avril et à sa performance aux débats des chefs.

Tout le monde en parle est enregistrée le jeudi même si elle est télédiffusée le dimanche. Elle fait l'objet d'un montage et n'est donc pas montrée au public dans son intégralité.