Le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, a dû rappeler au patron des services de renseignement canadiens qu'il devait l'informer à l'avance des risques de controverses publiques, quelques semaines après celle causée par ses propos sur des politiciens canadiens sous influence d'entités étrangères.

Dans le cadre d'un reportage diffusé en juin dernier, le patron du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), Richard Fadden, avait déclaré que des ministres d'au moins deux provinces et des politiciens municipaux de la Colombie-Britannique entretenaient des liens trop étroits avec des puissances ou groupes internationaux, au point où leurs décisions pouvaient en être influencées.

Cette déclaration avait fait bondir les politiciens canadiens, qui avaient reproché à M. Fadden d'être allé trop loin et de ternir la réputation de l'ensemble de la classe politique du pays en lançant des accusations trop vagues et non appuyées. M. Fadden avait toutefois refusé de démissionner, comme certains le lui demandaient. Il avait fait valoir que sa sortie portait sur des faits connus depuis longtemps et n'avait pas mis la sécurité nationale en danger.

Or, des documents obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information révèlent que le directeur du SRCS a dû rendre des comptes au ministre dès le lendemain de la diffusion du reportage et que Vic Toews a tenu à remettre les pendules à l'heure. L'échange laisse croire que M. Toews a été pris de court par la controverse.

Le 23 juin, deux jours après la diffusion du reportage, le directeur a envoyé une lettre avec la mention «Top Secret» au ministre, dans laquelle il a expliqué la situation et dénoncé le fait qu'après s'être fait accorder un accès «sans précédent au Service» et des entrevues avec son directeur, les journalistes de la CBC aient choisi de se concentrer uniquement sur quelques éléments précis, dont la question de l'influence étrangère.

Dans une autre lettre, datée du 29 juin, Richard Fadden a donné plus de détails sur cette question de l'influence étrangère. Mais plusieurs portions étant censurées, il est impossible de dire s'il y a fourni le nom des politiciens concernés.

Enfin, le 4 août, dans une lettre portant elle aussi la mention «Top Secret» et remise en mains propres à Richard Fadden, Vic Toews lui a finalement répondu, lui rappelant certaines de ses responsabilités.

«Le directeur doit, dans les plus brefs délais, signaler au ministre de la Sécurité publique toute menace importante pour la sécurité du Canada ou tout risque de controverse publique associée au mandat du Service», a-t-il écrit.

Dans le document dont la majeure partie a été censurée, Vic Toews a justifié ces ordres en invoquant l'article 6 de la loi qui régit le SCRS. Cet article stipule que «le ministre peut donner par écrit au directeur des instructions concernant le Service».

Le Service canadien du renseignement a diminué l'importance de ce rappel à l'ordre, disant que de telles instructions ministérielles étaient fournies chaque année. «Ce n'est pas nouveau, ont indiqué des chargés de communications. De plus, il n'y a rien d'inhabituel à ce que les ministres s'attendent à être informés des questions ayant un intérêt éventuel pour le public.»

Mais au bureau du ministre, la réponse a été moins catégorique. «C'est un rappel des circonstances dans lesquelles le directeur devrait faire rapport d'événements au ministre de la Sécurité publique», a simplement déclaré son directeur des communications, Chris McCluskey.

Fonctionnaire de carrière, Richard Fadden était en poste depuis à peine un an lorsque la controverse a éclaté. Diplômé de l'Université de Montréal et de McGill, il a fait ses premiers pas au gouvernement fédéral au ministère des Affaires étrangères, à la fin des années 70. Avant d'être nommé à la tête du SCRS par le gouvernement Harper en juin 2009, il était sous-ministre de l'Immigration.

- Avec la collaboration de William Leclerc