Le maire Labeaume espère encore qu'Ottawa investisse dans la construction du nouvel amphithéâtre. Mais le gouvernement Harper semble avoir définitivement écarté l'idée.

Malgré l'implication de Quebecor, la ministre des Affaires intergouvernementales, Josée Verner, affirme que le secteur privé ne participe pas de façon importante au projet - une condition sine qua non d'Ottawa. «Nous avons toujours demandé un investissement substantiel de la part du secteur privé. On constate que le projet du Colisée va demeurer un projet essentiellement financé par le secteur public», indiquait-elle cet après-midi.

«Le train a pas mal passé pour le gouvernement fédéral dans le cas de l'amphithéâtre, a réagi le premier ministre Jean Charest. Il y aura d'autres projets dans la région de Québec. Peut-être que ce sera l'occasion pour le gouvernement fédéral de se rattraper.»

Mme Verner a toutefois indiqué qu'Ottawa pourrait participer au projet de revitalisation du quartier où sera construit le nouveau Colisée. «Le projet comporte un important volet de revitalisation urbaine, soit des routes, des aqueducs, etc. (...) Et bien entendu le gouvernement fédéral sera là pour financer ces infrastructures», a dit la ministre responsable de la région de Québec. Elle affirme que dans le passé, Ottawa n'a jamais investi de manière importante dans de tels projets. Le seul précédent est le MTS Centre de Winnipeg dans lequel le gouvernement fédéral a payé 9% de la facture.

Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, a soutenu que cette décision du gouvernement Harper indique que les députés conservateurs du Québec n'ont pas d'influence à Ottawa.

Si Ottawa investit, le gouvernement provincial et la ville de Québec diminueront en conséquence à parts égales leur mise initiale. L'entente est différente avec Quebecor. Seule la ville de Québec déduira de son investissement l'argent promis par l'entreprise.

Hier, aucun membre du gouvernement Charest n'assistait à la conférence de presse de Pierre-Karl Péladeau et du maire Labeaume. «C'est normal, c'est la ville de Québec qui a la responsabilité de la gestion», justifiait M. Charest, qui participait à un forum sur l'entrepreneuriat.

Entente à rabais?

L'opposition a émis certaines réserves. Même s'il se réjouit de l'investissement de Quebecor, le chef de l'ADQ, Gérard Deltell, aurait souhaité une plus grande contribution du privé. Il estime aussi que le gouvernement Charest a mal négocié. Selon lui, le provincial aurait dû être compensé à parts égales avec la ville de Québec. «Ça aurait été un minimum de respect pour les contribuables de la province, et ça aurait aidé à vendre le projet dans le reste du Québec», dit-il.

Amir Khadir, lui, est indigné par l'entente. Si aucune équipe de la LNH ne joue à Québec, Quebecor partagerait 15% de ses possibles bénéfices d'exploitation avec la ville, mais 50% de ses pertes d'exploitation, et ce, sans participer directement à la construction. «Je pensais qu'on signait seulement ce genre d'entente minable dans le secteur minier. Il y en a qui se pètent les bretelles en défendant leur ville comme des coqs, mais qui donnent l'argent du public sur un plateau d'argent», dénonce-t-il. Le député de Québec solidaire aurait préféré que la ville confie la gestion à un organisme parapublic, comme c'est le cas à la Place des Arts de Montréal.

Personne au PQ n'était disponible pour réagir.

Pari risqué, croit un spécialiste

Selon André Richelieu, spécialiste du marketing sportif à l'Université Laval, Winnipeg détenait une longueur d'avance sur Québec pour l'acquisition d'une franchise de la LNH. Cette avance demeure, mais a passablement diminué avec la confirmation de l'engagement de Quebecor.

Le professeur Richelieu estime que le projet du nouvel amphithéâtre demeure un «pari risqué» pour Quebecor et surtout pour la ville de Québec. Selon lui, le succès dépend du retour des Nordiques.

Il rappelle que l'amphithéâtre affichera «un des plus coûteux prix de construction par siège de sa catégorie». Et il y aura beaucoup de sièges - 18 000 prévus. «Sans équipe de la LNH, ça ne se remplira pas facilement», prévient-il. Pour attirer des artistes vedettes, Québec est en compétition avec des plus gros marchés déjà établis, comme Montréal et même Ottawa. Et si Québec devait réussir à attirer de gros noms comme Lady Gaga ou Madonna, les billets coûteront chers. «Il n'est pas évident qu'on trouve assez de spectateurs prêts à payer des billets de ce prix-là dans la région», évalue-t-il.

Le maire Labeaume défend entre autres son projet en parlant de la nécessité d'attirer et garder les jeunes dans la région, et aussi de revitaliser le quartier Vanier où se trouvent le vieux Colisée et le site du nouvel amphithéâtre. «Mais il faut une équipe de sport professionnel pour attirer les commerces dans le quartier et leur offrir une clientèle assez régulière», dit M. Richelieu.

L'automne dernier, le gouvernement Charest et le maire Labeaume s'appuyaient sur une étude d'Ernst & Young - qu'ils avaient eux-mêmes commandée - pour soutenir que le nouveau Colisée serait rentable même sans équipe de la LNH. Cette étude traitait des coûts d'opération, sans inclure les 400 millions prévus pour la construction. Mais cette étude avait une marge d'erreur importante de 75%, rappelle M. Richelieu.

Pierre-Karl Péladeau n'a pas accordé beaucoup d'importance à cette étude contestée avant d'investir l'argent de Quebecor. Interrogé à ce sujet, il a répondu: «Je ne l'ai pas lue.»

- Avec Joel-Denis Bellavance et Tommy Chouinard