Le Parti conservateur a subi un revers important en Cour d'appel fédérale, mardi, moins d'une semaine après que des accusations de fraude électorale eurent été portées contre quatre de ses organisateurs et le parti lui-même.



Dans une décision unanime, trois juges du tribunal d'appel ont cassé un jugement rendu par la Cour fédérale en janvier, dans la cause qui oppose la formation de Stephen Harper à Élections Canada.

Les trois magistrats ont jugé raisonnable la décision de l'organisme de refuser de rembourser certaines dépenses électorales engagées par des candidats lors de la campagne de 2006.

Élections Canada a accusé le Parti conservateur d'avoir faussement attribué ces dépenses à des candidats pour pouvoir dépenser à l'échelle nationale environ 1 million de dollars de plus que la limite permise. Deux candidats et leurs agents officiels ont poursuivi le Directeur général des élections au civil.

Le parti a annoncé mardi que la cause serait portée en appel. «Encore faut-il que la Cour suprême accepte de l'entendre», a dit le député libéral Ralph Goodale.

Poursuites pénales

Il s'agit d'une défaite de mauvais augure et qui tombe mal pour les troupes de Stephen Harper. La semaine dernière, des accusations de fraude électorale ont été portées devant les tribunaux dans cette même affaire. S'ils sont reconnus coupables, quatre organisateurs électoraux influents, dont deux sénateurs nommés par le premier ministre Harper, sont passibles de milliers de dollars d'amende et même d'une peine de prison.

Jusqu'ici, le gouvernement a cherché à minimiser l'importance du litige, qu'il qualifie de simple débat administratif «qui dure depuis cinq ans».

À la Chambre des communes, hier, Stephen Harper a expliqué que ce débat vise à déterminer si certaines dépenses électorales devaient être attribuées aux instances nationales ou aux associations de circonscription. Selon la Loi électorale du Canada, ces deux entités distinctes ont leurs propres plafonds et mécanismes de remboursement des dépenses.

Mais la décision de la Cour d'appel fédérale enlève aux conservateurs un argument de taille: celui d'avoir vu leur position appuyée par un juge.

«Les pratiques auxquelles nous nous sommes livrés durant les élections de 2006 étaient non seulement légales et éthiques, mais elles étaient également communes à tous les partis», a maintenu mardi Pierre Poilievre, secrétaire parlementaire du premier ministre Harper.

Cour suprême?

En attendant de voir si la Cour suprême se penchera sur le dossier, les parties devront se rendre le 18 mars prochain en Cour supérieure, à Ottawa, pour le recours pénal. C'est à peine quelques jours avant le dépôt prévu du budget fédéral, qui pourrait lui-même entraîner des élections générales.

Ces nouvelles accusations ont été qualifiées de «sérieuses» par le Service des poursuites pénales du Canada, qui affirme avoir assemblé «une quantité volumineuse de preuve». Elles visent notamment le sénateur Doug Finley, architecte des deux victoires électorales du Parti conservateur et mari de la ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences, Diane Finley.

En tout, 67 candidats ont participé à la manoeuvre mise sur pied par le parti en 2005-2006. Il s'agissait «d'un procédé imaginé par le Parti au début de décembre 2005, environ un mois après le début de la campagne électorale, alors que les dépenses électorales du Parti atteignaient presque déjà le montant maximal permis par la Loi électorale du Canada», ont écrit les juges.

Ce procédé a servi à acheter pour 1,2 million de dollars de publicité nationale, que le parti a comptabilisés comme des dépenses locales. Élections Canada a refusé de rembourser une cinquantaine de candidats. Deux d'entre eux ont ainsi poursuivi l'organisme au civil, dans l'espoir de tracer la voie pour les autres.